mercredi 11 novembre 2015

Les pauvres s'invitent à la COP 21

La pyramide sociale s'est considérablement développée en 20 siècles, et plus particulièrement au cours des deux derniers, du fait de l'augmentation de la population et par voie de conséquence de la richesse qu'a générée son activité. Corrélativement, son sommet s'est élevé de même que s'est élargie sa base. C'est naturellement que sa partie inférieure, là où logent 70 % des êtres humains, s'est proportionnellement développée. Il faut rappeler que lorsque la population, toutes catégories sociales confondues, croît de 1000 individus, 37 vont augmenter le nombre de riches, 243 vont s'ajouter aux représentants des classes moyennes, quand 700 vont s'ajouter aux pauvres.
Illustration Pyramidologie sociale - 09.jpg

Un tel phénomène n'a pu que favoriser l'émergence d'une nouvelle pauvreté résultant de l'accès des pays et régions les moins avancées du monde à l'industrialisation et à la modernité. Venus s'ajouter au "lumperproletariat" et à l'effectif de prolétaires laissés pour compte des avancées sociales du XIXe s., un sous-strate de miséreux, s'appuyant directement sur l'extrême base de la pyramide sociale s'est ainsi formé, dont les occupants se sont vus attribuer le nom de pauvres profonds.
En même temps que la planète voyait sa population humaine passer de 1 à 7 milliards d'individus en 2 siècles et que s'améliorait la condition du plus grand nombre, s'est développé le mode de vie de cette sous-catégorie sociale, composée majoritairement de victimes d'un exode vers des villes où rien n'était disposé à les accueillir ; répétition à l'échelle mondiale de l'exode rural s'étant produit dans les pays occidentaux lors de leur industrialisation.

Ce nouveau mode de vie, qui s'est progressivement ancré partout dans le monde, se caractérise aujourd'hui par :
. Un habitat d'une précarité extrême – quand ce n'est pas l'absence du moindre abri. Les bidonvilles pourraient compter 900 millions d'habitants en 2020 selon l'ONU, les camps qui se multiplient ne parvenant pas à endiguer le flot de ceux qui les peuplent, pas davantage que des barrières, murs et clôtures toujours plus hauts et plus nombreux. « Loin d’être l’exception que l’on évoque généralement dans un cadre humanitaire ou sécuritaire pour en justifier l’existence, les camps [et les murs] font durablement partie des espaces et des sociétés qui composent le monde aujourd’hui.» ("Un monde de camps" - Clara LECADET et Michel AGIER - éditions La Découverte).
. Des vêtements hérités de moins pauvres qu'eux, quand ils ne sont pas faits de haillons.
. Une nourriture constituée de restes et de déchets, pour ceux qui n'ont pas la chance de bénéficier d'initiatives renouvelant le concept de "soupes populaires", se multipliant sous les formes et les appellations les plus diverses.
. Un  manque d'hygiène et de soins, avec pour conséquence un état de santé propice au développement de maladies et à la contagion, que combattent de nombreuses organisations tant privées que publiques hissées, par leur nombre et leurs budgets, au rang de véritables puissances économiques et politiques.
. Un criant défaut d'éducation.
Autant de caractéristiques d'ailleurs officiellement reconnues par les institutions au plus haut niveau (Banque Mondiale, ONU, UNESCO ... ) pour qualifier ce niveau de pauvreté, et déterminer le revenu maximum de ceux qui en sont frappés. D'abord fixé à moins de 1 dollar par jour, ce revenu atteint aujourd'hui (2015) 1,9 dollar. Une telle indexation de la pauvreté profonde ne suffit-elle pas à indiquer à quel point la pauvreté, plutôt que de reculer comme le prétendent certains, se développe au contraire – serait-ce dans sa relativité – du fait de la multiplication et de l'amplification de crises, toutes plus ou moins directement imputables à l'augmentation de la population humaine ? Le Figaro.fr du 09 nov 2015 titre : « Climat : 100 millions de pauvres en plus d'ici 2030 si rien n'est fait. À 21 jours de la COP 21, la Banque mondiale alerte dans un rapport sur les risques du changement climatique pour les populations les plus vulnérables. ». Ce sont effectivement les plus vulnérables qui feront, les premiers, les frais du réchauffement climatique, comme ils font ceux d'autres "réchauffements", d'ordre économique, industriel, écologique, ... tous résultant d'une démographie planétaire vécue depuis des décennies et des siècles, dans l'aveuglement le plus complet de l'humanité, à commencer par ses élites.

La pauvreté peuplant le tiers inférieur de la pyramide sociale se définit en conséquence d'une  nouvelle manière, résultant de la modernité et du progrès. N'est-ce pas en effet ce dernier et plus précisément l'augmentation de richesse de la société qui l'a accompagné qui, par un accroissement constant de l'écart entre le sommet et la base de la pyramide sociale a entraîné la multiplication des pauvres et l'apparition parmi eux de pauvres profonds ?

Quantitativement, ceci ne fait aucun doute, puisque pour une population estimée de 250 millions d'êtres humains au début de notre ère, le nombre de pauvres profonds se situe officiellement, 20 siècles plus tard, entre 1 et 1,5 milliard – les spécialistes sont en complet désaccord, tant sur les chiffres que sur le fait que cette pauvreté profonde régresse ou augmente – soit 4 à 6 fois la population de départ, toutes conditions confondues. Et qualitativement, ce dont ont souffert les plus pauvres des anciens pauvres, dans leur contexte quelle que soit l'époque considérée, n'a pas pu être pire que ce dont souffrent nos pauvres profonds actuels.


Irions-nous vers une partition de la société, non plus en 3 mais en 4 catégories sociales ? Dans l'affirmative, il faut considérer les proportions dans lesquelles chacune serait représentée (Fig. 10). Dès lors, sauf à concevoir une classe moyenne élargie, allant puiser une partie de ses effectifs chez les riches et une autre chez les pauvres, pour rassembler  29,7 +10,9 = 30,6% de la population, la pauvreté dans son ensemble représente, non plus 70% de la population totale mais 29.7 + 57,8 = 87,5%.

Trop souvent guidés par leur compassion, combien d'experts socio-intellectuels ont-ils conscience de cette réalité et de son évolution ? Combien d'entre eux – et non des moindres – ne tiennent aucun compte de la mesure dans laquelle leur idéal de justice sociale dépend de la démographie. La seule possibilité réelle et durable qu'ont les hommes, non seulement d'accéder à un équilibre social en rapport avec leur condition, mais d'espérer la survie de leur civilisation et peut-être même de l'espèce, réside dans la réduction de leur population, dorénavant à l'échelle planétaire, compte tenu d'une mondialisation elle aussi rançon du progrès. Au-delà d'enjeux économiques et de la notion de partage qui est l'arbre qui cache la forêt, le meilleur équilibre possible entre richesse et pauvreté doit être une priorité absolue pour les responsables qui vont siéger à la COP 21.