mardi 20 août 2019

À propos de justice climatique


L'article ci-après se rapporte à "Penser la justice climatique", livre de Michel BourbanDocteur en philosophie, chercheur et chargé d'enseignement en éthique de l'environnement, et à la promotion qui en est faite, récemment relevée dans HuffPost.

« Ce serait en priorité aux habitants des pays riches de faire moins d’enfants. »
« Choisir d’avoir un enfant de moins permettrait aux individus dans les pays développés d’économiser en moyenne 58,6 tonnes de CO2-équivalent (tCO2) par année, ce qui est considérable. Les autres actions à haut impact sur les émissions individuelles, à savoir vivre sans voiture, éviter un vol transatlantique et adopter un régime alimentaire végane, permettent d’économiser respectivement 2,4 tCO2, 1,6 tCO2 et 0,8 tCO2 par année. »
« Un Américain émet en moyenne autant que 10 Indiens; un Français, autant que 7 Kiribatiens; et un Suisse, autant que 9 Bengalis. Les 10% les plus riches sont responsables d’environ 50% des émissions de gaz à effet de serre, tandis que les 50% les plus pauvres ne sont responsables que de 10% de ces émissions, d'après un rapport d'Oxfam. »
« Si la plupart des habitants des pays développés décidaient d’avoir un enfant en moins, la réduction des émissions mondiales de GES serait donc considérable. Un changement climatique abrupt causé par une continuation des trajectoires d’émissions actuelles serait beaucoup plus nuisible à nos économies et à nos systèmes de retraite qu’une réduction de la croissance démographique. »

En quoi Michel Bourban et Oxfam se trompent-ils ?
Au-delà du fait que l'émission de GES par un pays riche soit le plus souvent liée à sa consommation énergétique, proportionnelle à son niveau d'industrialisation, l'auteur tient-il compte de la part de cette pollution correspondant à ce qu'il produit pour satisfaire les besoins de pays pauvres, dont les populations seraient sans cela encore plus démunies qu'elles le sont ? La compassion de doux rêveurs ayant rarement été jusqu'à aider ces pays pauvres à se doter des industries qui leur manquent, ils seraient avisés de considérer l'assistance considérable qui leur est couramment accordée, sous de multiples formes, précisément grâce aux richesses produites par les pays riches.
S'agissant de réduire la population mondiale en commençant par celle des pays les plus riches, ces mêmes rêveurs devraient réfléchir au fait que c'est la vitalité de ces pays, fondée sur le niveau de leur richesse en moyens humains et matériels, qui permet à leurs industries de produire pour satisfaire – de manière toujours insatisfaisante en raison d'une augmentation incessante de la population – les besoins de l'immense majorité des habitants de la planète. Ce serait donc scier la branche sur laquelle l'humanité est assise que de commencer par réduire ses moyens.

Et pourquoi se trompent-ils ?
- Parce que l'aspiration de tout individu est légitimement d'accéder aux conditions de vie de plus favorisé que lui, le remplacement des riches étant ainsi garanti en toutes circonstances.
- Parce qu'ils sont plus soucieux d'une archaïque lutte des classes que d'environnement, soumis à une pensée dominante aussi sommaire que le marxisme dont ils s'inspirent. Oxfam en donne souvent la preuve, notamment à propos du fameux “1% des plus riches” par rapport au reste de la population, dans les pires amalgames entre revenu et patrimoine comme en ce qui concerne la nature de la richesse de chacun, en oubliant son rôle moteur et vital, pour tous.
- Parce qu'ils se trompent de combat. Ce ne sont pas à des inégalités sociales – qui ne sont qu'une résultante – qu'il faut s'attaquer, mais au binôme démographie-économie, dont la croissance démesurée éloigne toujours plus le sommet de la pyramide sociale de sa base, aux frais de l'environnement.

Le rapport Meadows et ses prolongements auxquels travaillent sans relâche une équipe tout autant crédible que Oxfam ou Michel Bourban, indiquent que l'humanité – toutes populations et conditions sociales confondues – a consommé à mi-parcours de l'année 2019, ce que la nature lui offrait pour l'année entière. Il s'agit donc, si l'objectif est bien le rééquilibrage de la population humaine par rapport à ses ressources, de raisonner mondialement, en moyenne par être humain, et d'agir d'urgence par dénatalité généralisée pour réduire notre population au moins de moitié. La décroissance qui découlera inévitablement d'une telle dépopulation se chargera de répartir l'effort de frugalité – demeurant indispensable – sur les différentes catégories sociales, sachant que bien évidemment ceux qui consomment le moins seront les moins concernés.

La seule question qui se pose n'est-elle pas de savoir s'il vaut mieux le progrès et un bien-être inégal pour 3 ou 4 milliards d’humains, dans le respect de leur environnement, ou la stagnation dans une indigence égalitariste et le saccage de la planète, par bientôt plus de 11 milliards de super-prédateurs se répartissant les rôles?
Plus brièvement, préférons-nous être 11 milliards à survivre jusqu'à sombrer à bref terme dans les souffrances d'un chaos généralisé, ou 3 ou 4 milliards à continuer de vivre selon notre condition ?