samedi 26 octobre 2013

Développement : durable, ou responsable ?


Dans développement durable, "durable" porte paradoxalement la marque de son contraire, puisqu'il vise à optimiser l'exploitation des ressources d’un milieu non extensible, donc épuisables. Ce qualificatif reconnaît les limites du DD, qu'ont tendance à omettre ses adeptes, convaincus que réduire la demande en faisant preuve d'économie, en proscrivant tout gaspillage, en codifiant et réglementant les manières de consommer ; en restreignant ainsi tant la demande que l’offre, au nécessaire d’abord, puis au strict indispensable, peut garantir aux générations futures une qualité de vie satisfaisante. Mais à supposer que cela soit vrai, pour combien de temps.? Car aussi parcimonieux qu'ils soient, tous prélèvements sur des ressources épuisables en viennent à bout un jour ou l’autre, surtout si, pendant qu’elles s'amoindrissent, le nombre de leurs consommateurs augmente. Le rationnement de ces derniers ayant des bornes, la finalité du processus ne peut qu'exiger une diminution de leur nombre, sachant d'ailleurs qu'aussi restreint que soit ce dernier et réduit leur appétit, il finira par venir à bout de leurs ultimes ressources.


Conscient d'une telle réalité, certains changent "durable" en "soutenable". Ne devraient-ils pas aller plus loin ; jusqu'à "raisonnable", ou "responsable"; ou encore "humaniste", attribut allant tellement de soi que c'est probablement la raison pour laquelle il n'a pas été employé ; à moins que ce soit parce que trop philosophique. Dès lors, "responsable" s'imposerait contre "raisonnable", peut-être trop passif, pas assez engagé pour motiver les foules.


Le pilier de la démographie pourrait dès lors s'ajouter à ceux de l'environnement, du social et de l'économique, offrant au développement durable une assise autrement plus réaliste et sérieuse, et pas seulement parce que quatre pieds valent mieux que trois pour soutenir toute construction.


Alors qu'il se déclare prêt à réduire ses prétentions et un appétit qui au contraire grandissent chaque jour, l'homme ne peut prendre le progrès qu'avec ses avantages et ses inconvénients. L’agroalimentaire moderne, les multinationales, l'énergie nucléaire, l'industrie chimique, ..., la mondialisation elle-même, ... sont avant tout les fruits de ce progrès, au profit du nombre et voulu par lui, en réponse à sa recherche jamais assouvie d'un confort trop facilement pris pour le bonheur, ainsi qu'aux exigences de sa prolifération.


Pour ce qui est de l'écologie, partie la plus visible du pilier environnement, soucieuse de nos conditions d'existence, elle ne date pas d'aujourd'hui. Il faut se souvenir des raisons qui placent – entre autres – les gares de Tours à Saint Pierre des Corps, d'Orléans aux Aubraies, de Fontainebleau à Avon, etc. Et il y a fort à parier que les premiers moulins à vent ont connu des oppositions comparables – toutes proportions gardées – à celles suscitées par nos modernes éoliennes. Autant d'occasions où le progrès a dû et doit encore vaincre une censure trop souvent teintée d'idéologie, s'exprimant par la résistance des uns ou des autres, plus ou moins opportunément et contradictoirement, mais avec toujours un effet, au moins retardateur, pouvant être parfois porté au compte de la sagesse (?). Aujourd'hui, au point où en est la société, cette sagesse ne consisterait-elle pas à réduire ce développement pour le mener à coïncider avec une population moindre, telle qu'elle pourrait résulter d'une régulation démographique dont les résultats pourraient être obtenus en quelques générations, plutôt que d'interrompre brutalement un progrès qui profite à tous, quoi qu'en pense ses détracteurs et en dépit d'un partage de ses effets laissant à désirer, Bien sûr, une telle option soulèverait d'autres problèmes, dont celui posé par un vieillissement corrélatif de la population ; mais de deux maux ne faut-il pas choisir le moindre ?


Que le bonheur de tous puisse être la somme des bonheurs individuels, ou qu'au contraire un bonheur collectif doive satisfaire les aspirations personnelles de chacun, ce débat est-il d'actualité ? La priorité n'est-elle pas dorénavant, pour tous, de prévenir les difficultés à attendre d'une augmentation plus qu'alarmante de la population mondiale ? Ceux qui s'y refusent, avancent des arguments d'ordre idéologique, éthique et religieux, préférant attendre une inversion de la courbe qui devrait, selon les experts auxquels ils se réfèrent, afficher, à partir du siècle prochain, une hypothétique baisse de la population, après qu'elle soit passée par un pic de 10 à 12 milliards, (d'abord évalué à 9 ou 10). Indépendamment du caractère hypothétique d' une telle tendance ; de son incidence sur le nombre de pauvres tel qu'il en résultera, ainsi que sur leur sort ; sans davantage s'interroger sur le fait qu'un épuisement des ressources qu'offre la planète à ses habitants soit inéluctable, quel qu'en soit le terme et le nombre de ceux qui les consommeront, une question se pose : de quoi d'autre que la dénatalité, pourra bien résulter ce renversement de tendance espéré de tous, y compris les plus confiants dans la capacité de l'espèce à vaincre l'adversité en toutes circonstance ? Autrement dit, plutôt que d'attendre dans la négation à tout prix d'une évidence attestée par 20 siècle de croissance de la population mondiale, une fatalité qui prendrait subitement un tour favorable, ne vaudrait-il pas mieux regarder la situation en face, avec pragmatisme ; réviser le crédit accordé au renversement miraculeux d'une tendance pluri-millénaire qui sauverait l'humanité du désastre auquel la promet son surnombre, et tenter de prendre le destin de l'espèce en mains, pour retarder autant que faire se peut une disparition à laquelle elle est promise en tout état de cause ?
Une dénatalité voulue ne vaut-elle pas une dénatalité subie ? N'est-ce pas la seule authentique manifestation d'un refus de la fatalité ? Car la pauvreté, dans son hérédité comme dans sa relativité, est bien une fatalité – chacun est le pauvre ou le riche de plus riche ou de plus pauvre que soi. Ce qui par contre n'est pas une fatalité, c'est le nombre de ceux qui souffrent de pauvreté.


Devons-nous nécessairement laisser à notre descendance un univers peuplé de riches et de moins riches – quel que soit le partage auquel nous puissions parvenir un jour –, ou surpeuplé exclusivement de pauvres. Car ce n'est pas s'égarer dans la science fiction que de prévoir en réponse à la surpopulation vers laquelle nous nous acheminons, que l'interdiction suivra nécessairement la restriction en tout, à commencer par les libertés de chacun.


Quant à ceux qui voient dans la dénatalité une volonté de report de responsabilités sur les générations futures, ils devraient simplement penser au fait que le jour où une telle mesure porterait ses fruits, aucun de ses partisans – comme de ses adversaires – ne serait plus là pour culpabiliser. Les uns comme les autres pourraient par contre tirer fierté, de leur vivant, d'une remise en cause courageuse, en vue de prolonger, au moins pour un temps, le bonheur de leur descendance.

Le développement durable – ou responsable –, ne doit pas chercher dans ce qui précède des raisons de désarmer, bien au contraire. Que ce soit pour différer la fin d'une manière de vivre ou en préparer une nouvelle, il a toute son utilité. Les ressources de la planète et la possibilité de continuer à en vivre étant irrévocablement appelées à s'épuiser un jour, le problème posé à l'homme se ramène en effet tout bonnement à inventer et mettre en œuvre les outils d'une prolongation aussi durable que possible de l'existence de l'espèce humaine