vendredi 9 décembre 2016

De l’hérédité sociale



Certains reprochent aux riches d’être gros et gras par l’amaigrissement des pauvres, quand d’autres leur reprochent d’être sveltes quand ce qui distingue les pauvres est leur obésité. Disons plus simplement qu’ils leur reprochent d’être riches, même quand ils n’y sont pour rien ; pas plus en tout cas que ceux qui, étant pauvres, le tiennent avant tout de leurs parents, lesquels ont eu le malheur d’être pauvres avant eux.

C’est en tout cas omettre que pauvreté et richesse existent l’une par l’autre dans une société, représentée par une pyramide sociale peuplée de riches et de pauvres, qui s’y répartissent depuis les plus démunis à sa base jusqu’AU plus riche à son sommet.

Nous savons que si la population de la pyramide sociale est répartie en 3 catégories : riches, classes moyennes et pauvres, face à une échelle de richesse dont le niveau zéro coïncide avec celui de la base de cette pyramide, la population de chacune de ces catégories sociales est respectivement de : 70 % pour les pauvres 24,3 % pour les représentants des classes moyennes 3,7 % pour les riches. Ce qui signifie que sur 100 êtres humains qui naissent (et il s’en ajoute quotidiennement 280 000 à la population mondiale, soit plus de 100 millions chaque année), 70 s’ajoutent aux pauvres, environ 24 aux représentants des classes moyennes et un peu moins de 4 aux riches.

Selon la segmentation adoptée de la pyramide sociale, il naît de 6 à 20 pauvres pour un riche, sachant qu’un pauvre ne peut enfanter que des pauvres, comme un riche enfante des riches (quelle que soit l’évolution de la condition de chacun au cours de son existence). Et les inégalités croissent imperturbablement avec l’enrichissement global de la société depuis qu’elle existe. Ces chiffres sont inéluctables, en dépit de leurs variations circonstancielles, et indiquent clairement que le problème des inégalités sociales et de la pauvreté est avant tout, et incontournablement, d’ordre démographique.

Et pourtant , les plus pauvres ont du mal à le concevoir et sont les plus obstinés à refuser de l’admettre. Or quelle attitude plus insensée de leur part (encouragée par ceux qui compatissent sommairement à leur situation, en y trouvant souvent leur propre compte, ne serait-ce que moralement ou idéologiquement), que celle qui consiste à se plaindre de leur condition, en s’y offrant toujours plus nombreux ! Existe-t-il une meilleure manière de servir les intérêts de ceux par qui ils se plaignent d’être exploités que de se mettre en rangs toujours plus serrés à leur disposition ? À plus forte raison quand la lutte des classes, censée contraindre les riches à cesser cette exploitation, s’est avérée impuissance à changer le cours des choses dans une mesure significative, à en juger par la permanence des revendications des plus défavorisés, depuis que l'homme existe, et l’augmentation incessante de leur nombre.

Ne suffirait-il pas que l’ensemble de la population – donc majoritairement les pauvres – soit moins nombreuse, pour que se réduise la pauvreté, sachant comme dit plus haut, qu’elle est, comme la richesse, relative ?

Dans la structure immuablement pyramidale de notre société, la pauvreté et sa croissance incessante sont d’ordre d’abord démographique, et il est illusoire de compter y remédier par le partage, quels que soient le nombre, la variété, et l’efficacité, des modes de redistribution, contraints comme volontaires que s'efforcent d'inventer philanthropes et autres utopistes.

Le sort des pauvres dépend d’abord d’eux-mêmes. Des pauvres moins nombreux se multiplieraient moins – y compris à égalité de fécondité avec les riches – et pourraient être d’autant moins nécessiteux qu’ils auraient ainsi moins de raisons de chercher à assurer leurs vieux jours par leur descendance ; explication suprême, au demeurant crédible, de l’augmentation de la pauvreté dans le monde. Sans compter les bénéfices, pour tous, d’un retour à une population humaine compatible avec les ressources (mieux partagées) de la planète qui l’abrite.

Notre hérédité n'est pas seulement d'ordre biologique. Si la science permet dorénavant des manipulations pouvant corriger notre héritage génétique ou pour le moins le modifier, il n'en demeure pas moins, probablement pour longtemps encore, que chacun hérite à sa naissance de la condition sociale de ses parents, sans que qui que ce soit n'y puisse rien changer. C'est ainsi que des parents pauvres ne peuvent donner naissance qu'à des pauvres, quelle que soit l'évolution de leur condition par la suite ; et il en est de même pour les riches. Et ce n'est pas le déclassement d'une infime minorité de la population qui puisse altérer la relativité d'un ordre des choses qui doit tout à un mécanisme aussi inconditionnel que naturel. Le dosage incontournable de la population en catégories sociales s'applique au contraire à ces déclassements pour les compenser inéluctablement, selon le principe des vases communicants.

Ignorant une redistribution par l'impôt pouvant atteindre des taux aux allures de véritable spoliation, tout autant que les fondamentaux de la condition humaine, des utopistes sociaux laissant les scientifiques s'occuper de notre génotype, aimeraient rebattre les cartes en abolissant l' héritage matériel, mesure emblématique entre toutes de la lutte des classes, mais c'est sans compter avec la plus puissante des facultés humaines : l'imagination, ni avec cette aspiration qui est, immédiatement après la survie, d'améliorer son sort et celui de sa descendance.

C'est en outre et surtout ignorer une réalité qui régit à tous égards la condition humaine: Si notre promotion sociale résulte d'un progrès qui bénéficie à tous les membres de la société, elle touche chacun selon son positionnement dans l'échelle sociale, tel qu'il en a hérité à sa naissance. Le jeu des circonstances, des talents et des efforts fait le reste pour ce qui est de sa promotion individuelle. Là encore, le nombre et la répartition de la population jouent leur rôle : d'une part l'augmentation du nombre de pauvres peut donner l'impression d'une amélioration de leur condition, précisément du fait que les bénéfices du progrès s'étendent à tous (élévation générale du niveau de vie) et pourtant l'ascenseur social collectif est un leurre. Hormis ce qui peut résulter de notre solidarité, voire de notre charité, à l'égard des nécessiteux, chacun ne peut compter que sur ses propres capacités et efforts pour tenter d'améliorer sa condition, à défaut de pouvoir s'en extraire