lundi 20 janvier 2014

Plaidoyer pour la dénatalité


Plaidoyer pour la dénatalité


Humanisme contre matérialisme, pour vivre mieux, moins nombreux.


« Il n’y a richesse, ni force que d’hommes ».
Lorsque Jean Bodin résumait ainsi sa pensée, nourrie des valeurs de la renaissance, pensait-il que son aphorisme connaîtrait la postérité et qualifierait un jour, sans le moindre fard, notre société ? C'est ce qui a lieu en tout cas de nos jours, bien au-delà de ce que permettait d'imaginer l'humanisme de son époque – parenthèse d'une évolution allant de l'esclavage antique aux formes d'aliénation auxquelles est parvenu l'homme, que ce soit par le travail ou par le profit qu'il en tire.


S'il est arrivé que l'être humain, dans la différence à laquelle il prétend par rapport aux autres espèces animales, ait pu se considérer comme dépositaire d'un trésor spirituel, le progrès a eu tôt fait de le lui confisquer. La quantité supplantant la qualité, homo "éthicus" a été progressivement remplacé par son nombre (ou son ombre), devenu l'indicateur suprême de la puissance des cités, des nations et de la société.


Pour ceux qui douteraient de cette réalité, les lignes ci-après, empruntées à Turmeau de la Morandière, continuateur zélé de Jean Bodin, sont révélatrices du pragmatisme, voire du cynisme, sur lesquels ont toujours reposées les incitations à croître et à multiplier, dispensées aux peuples.


« Les bestiaux sont plus nécessaires à un État qu'on ne se l'est imaginé jusqu'à présent. Si on en eut connu toute l'importance, le Conseil se serait occupé du soin de les faire multiplier. il est temps d'ouvrir les yeux sur ce point de vérité ; sans bestiaux il n'y aura pas d'engrais, et par conséquent les productions en grains et grenailles de toutes espèces, en légumes, en vins, en fruits, en foins et paille seront médiocres ; de décroissements en décroissements il n'y aura donc par succession de temps ni pain, ni vin, ni fourrage, ni autres subsistance pour hommes et chevaux ; ni chanvres ni laines, ni soie pour se vêtir ; et c'est ce qu'on doit craindre. Sans manufactures par conséquent et sans commerce, la finance, ce corps quelquefois nécessaire, sans cependant en faire trop d'usage, ni le considérer comme la colonne de l’État, suivant l'expression d'un Premier ministre, s'écroulera. Sans argent, sans subsistances, sans denrées d'aucune nature, sans ressources, les armées n'iront pas loin, et ne tarderont pas à se dissoudre ou à se disperser ; les soldats se battront mal et périront ; les chevaux auront la même fin avant d'avoir fait le moindre service ; les habitants des villes et campagnes riches et pauvres manqueront des choses les plus indispensables, et mourront de faim, de froid et de misère ; sans hommes dans le royaume, il n'y aura plus ni soldats, ni matelots, ni ouvriers et le royaume, enfin, sans habitants, deviendra le repaire des lions, des léopards, des ours, et n'aura plus besoin de ministres ni de généraux. Les financiers joueront un pauvre rôle vis-à-vis des bêtes féroces ou des bêtes fauves ; c'est donc ici la cause commune du roi, de son sage Conseil et de ses fidèles sujets ; cause par conséquent extrêmement importante pour tous les États, pour toutes les professions. »


« Si je ne craignais d'autoriser le vice, et d'achever de corrompre les mœurs qui ne sont déjà que trop relâchées et trop déréglées, j'adopterais le projet que Chévrier prête à feu M. le Maréchal de Belle-Ile dans son prétendu testament politique. Ce serait, 1° d'établir à Paris comme à Berlin [l'allemagne donnait déjà l'exemple], une maison décente pour y recevoir dans le plus grand secret les filles de familles honnêtes enceintes, pour les y traiter avec douceur, et ce pendant le temps de leur grossesse, et même dès son commencement. 2° de tenir la main à ce que les filles du menu peuple et les filles publiques qui vont faire leurs couches à l'Hôtel Dieu de Paris, y fussent traitées avec beaucoup plus d'humanité et de soins qu'elles ne le sont, et qu'il leur fût donné après leur parfait rétablissement, et en sortant de la maison, la somme de cent cinquante livres, si elles étaient accouchées d'un garçon, et celle de trente livres si elles n'étaient accouchées que d'une fille, l'une et l'autre desquelles sommes leur seraient payées comptant et sur leurs quittances.
J'appréhenderais cependant qu'un pareil établissement qui, à certains égards serait très bon et très avantageux, puisqu'il tend à conserver des créatures faites pour servir Dieu, à multiplier le nombre des citoyens et à enrichir l’État, ne fut un nouvel attrait pour le libertinage et l'effrénation, qu'il ne fut même un éloignement pour le mariage, que les nations policées doivent chérir et respecter, puisqu'il assure leur tranquillité et leur bonheur. »


« Dirai-je même à cet égard que la crainte d'avoir une nombreuse famille, qui expose les pères, les mères et les enfants à mourir de faim, fait de tous ceux qui s'engagent dans cet auguste sacrement, autant de sacrilèges impies qui le profanent sans scrupule, et par un faux système d'économie et de prudence. Nous ne voulons pas avoir beaucoup d'enfants, disent-ils, parce que nous ne sommes pas en situation de les nourrir, de les entretenir, encore moins de leur procurer une aussi bonne éducation que nous le désirerions, ni un établissement avantageux. »


« Quelques grands que soient nos maux, il est encore temps de les guérir radicalement, pourvu qu'on en diffère pas les remèdes. Invités au mariage par l'ordonnance que je demande contre l'oisiveté, les sujets les plus sages comme les plus libertins, par des récompense que sa majesté accordera, et qu'on distribuera fort exactement aux pères et mères des familles nombreuses, à l'imitation de Louis XIV qui, dans les commencements de son règne accorda pendant cinq années l'exemption de taille à tous ceux qui se marieraient, et une exemption de toute nature d'imposition pendant sa vie au père de famille qui avait dix enfants vivants. »


« Attachez une sorte d'infamie à la vie des célibataires séculiers de l'un comme de l'autre sexe : les garçons la mérite puisqu'ils sont tous libertins. Imposez-leur une taxe particulière, humiliante et forte, dont ils ne pourront s'affranchir qu'en se mariant. Défendez par la même ordonnance à tous jeunes gens, garçons et filles, qui souvent par fainéantise, quelquefois par enthousiasme, se destinent à la vie nonchalante des mystiques encloîtrés, de se lier par aucun vœu, qu'ils n'aient atteint, savoir les hommes l'âge de trente-cinq ans et les filles celui de trente ans, à peine de nullité. Défendez pareillement aux communautés religieuses de l'un et l'autre sexe, même aux Chartreux et Trappistes, de recevoir aucun sujet avant vingt-neuf ans pour les filles et trente-quatre pour les hommes, pour faire leur noviciat, sous peine de cinq cents livres d'amende contre les maisons conventuelles et les communautés où les vœux auront été prononcés, et ce pour la désobéissance et contravention ; attendu qu'avant de parvenir à l'un ou l'autre de ces deux âges, chaque postulant aura eu le temps et les moyens de se consulter et d'éprouver sa vocation avec autant de réflexion qu'en exige un état si sain et si méritoire. »


« Pour lors le ciel et la terre y gagneront en habitants ; l'objet de la création de l'homme se remplira ponctuellement et tel que Dieu le veut. La population du royaume se multipliera, lui procurera en abondance des denrées de toutes espèces de son crû, des richesses numéraires, et le rendra florissant et redoutable à toutes le nations. »


Et selon les propos suivants, extraits du livre de Alan Weisel "COMPTE à REBOURS", de tels préceptes perdurent :
« - Rio 1992 - Sommet de la Terre - … L’Église eut aussi une influence considérable sur les négociations préliminaires et réussit à faire supprimer l'expression planification familiales et le mot contraception des ébauches de la déclaration commune ... Le Saint-Siège n'a pas cherché à éliminer les questions relatives à la population ; il a simplement tenté d'en améliorer la formulation, déclara le Vatican lorsqu'il eut obtenu satisfaction.
Pour les multinationales qui étaient les principaux sponsors du Sommet, l'accroissement des populations était synonymes à la fois de main d'œuvre peu coûteuse et de marchés toujours plus vastes… »
Et l'Islam n'est pas en reste, car si « Dans le Coran, le Prophète conseille aux parents de ne pas faire plus d'enfants qu'ils n'ont les moyens d'en élever. », « Comme aimait à dire Yasser Arafat : La meilleure arme de l'Organisation de libération de la Palestine, c'est l'utérus des Palestiniennes. » et comme l'ont proclamé en leur temps d'autres responsables politiques, dont houarri Boumédienne à la tribune de l'ONU, « c'est par le ventre de ses femmes que l'Islam compte faire la conquête du monde » ; pendant qu'en Israël « les familles ultra-orthodoxes comptent en moyenne près de sept enfants et les fratries de dix ou plus ne sont pas rares. » … pour tenter de surpasser en nombre la population palestinienne.


Mais défiant toutes considérations religieuses, philosophiques ou politiques, la richesse ainsi promue se déprécie, et l'inflation qui la touche pourrait conduire à son effondrement ; aboutissement de la courbe de vie, sinon de l'espèce du moins de notre civilisation.


Pourtant, comme si de telles aberrations n'existaient pas, les pouvoirs restent maîtres de cette richesse faite des hommes, pendant que ceux d'entre eux qui ont à s'en plaindre se limitent à contester les conditions du partage d'une autre richesse : celle qui résulte de leur activité. En effet, si la société se mesure au nombre des individus qui la composent, toutes conditions confondues, force est de constater que par un mécanisme lié aux hasards de leur naissance, le profit tiré du travail du plus grand nombre va en tout premier lieu à cette élite, tant spirituelle que matérielle, qui l'encourage si résolument à se multiplier. En réaction à une telle "exploitation de l'homme par l'homme", la révolte s'est d'abord manifestée et survit dans l'archaïsme d'une lutte des classes ayant pourtant démontrée sa stérilité, un pouvoir chassant l'autre et les catégories sociales continuant à se partager les mêmes étages d'une pyramide sociale dans laquelle, par simple effet de proportionnalité, les pauvres croissent en nombre, plus vite que les autres catégories sociales, aggravant sans cesse leur propre sort. La part du progrès matériel revenant à chacun étant d'autant plus réduite que sont nombreux ceux qui se la partagent, ils semblent incapables de concevoir qu'ils seraient les premiers à être plus heureux s'ils étaient moins nombreux,


Quoi qu'il en soit, le surnombre ne peut qu'être source des pires difficultés, ne serait-ce que par son ingouvernabilité, attestée par les difficultés croissantes à simplement gouverner le nombre. Les désordres sociétaux et environnementaux que nous connaissons d'ores et déjà en annoncent bien d'autres, d'ampleur incalculable, qui accompagneront inévitablement l'expansion cinétique de la pauvreté et le partage de ressources planétaires ne pouvant aller qu'en s'amenuisant.


Surpassant sans cesse l'action d'innombrables organisations humanitaires, d'essence tant privée que publique, cherchant à la réduire, la pauvreté matérielle ne sera d'ailleurs pas la seule forme de nos maux ; d'autres formes l'aggraveront, telles que l'uniformité, l'indifférence ; un chacun pour soi exacerbé par des restrictions en tout, et l'impuissance. Pour ce qui est de l'espace vital, L'homme a déjà démontré qu'il était compressible ; reste à savoir dans quelles limites. En ce qui concerne les besoins alimentaires, principale préoccupation des malthusiens, est-il permis d'espérer que le génie humain saura y pourvoir, avec ou sans intervention divine ? Quant à l'agoraphobie, il reste à ceux qui en souffrent à se faire une raison, de même que pour une inévitable restriction des libertés. Car la liberté elle aussi est une richesse qui se partage, et plus le nombre de ceux qui y prétendent est grand, plus est réduite la part qui en revient à chacun.


Face à de telles perspectives, nombre de ceux qui en souffrent le plus continuent à afficher les taux de fécondité les plus élevés, comme répondant à un instinct de conservation de l'espèce particulière qu'ils semblent former, avec l'aide de dogmes et idéologies se faisant les ennemis résolus de la dénatalité, sur fond de résignation ou d'intérêts. Pourtant, toujours par effet de proportionnalité, cette dénatalité toucherait majoritairement surtout les plus pauvres, ce dont tous les pouvoirs devraient être conscients, ne serait-ce qu'en raison du bénéfice qui en résulterait pour eux-mêmes, en réponse à une pression qui monte chaque jour un peu plus, avec la puissance des centaines de milliers d'êtres humains supplémentaires qui déferlent chaque jour sur la planète.