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jeudi 21 décembre 2023

De la sérendipité

Mise à jour du 27/01/2024


Sérendipité, de l’anglais sérendipity = don de faire des trouvailles et par extension, d’inventer par intuition, par hasard. Selon Futura-Science : « La sérendipité est l’art ou la capacité de faire une découverte fortuite de résultats que l’on ne cherchait pas ».

Combiné avec l’intelligence, entendue comme « aptitude à franchir les limites du raisonnement sans perdre le contact avec la réalité » - Henri Laborit (1914-1995), le sens de l’observation, et l’imagination, la sérendipité peut conduire à des innovations rivalisant avec celles qui relèvent d’une approche scientifique, bien que nécessitant généralement une validation de cet ordre pour que ses effets soient acceptés par la société.

La sérendipité ne se limite pas à la découverte accidentelle, due au hasard. C’est aussi la sagacité qui permet de faire des découvertes à partir de circonstances ou de faits imprévus. Autrement dit, c’est pouvoir saisir des opportunités qui peuvent s'offrir à chacun alors qu’il ne les attendait pas ou qu'il cherchait totalement autre chose ; comprendre leur importance et en tirer des conclusions et enseignements.

« Le terme fait son apparition en français vers les années 1980, sous forme d’un anglicisme inspiré de serendipity, une notion inventée en 1754 par Horace Walpole, un collectionneur érudit, alors qu’il faisait une découverte fortuite sur des armoiries vénitiennes. Pour lui, la sérendipité signifie : faire des découvertes par accident et sagacité, de choses qu’on ne cherchait pas et qui n’ont rien à voir avec ce que l’on cherchait effectivement. Il parle également de sagacité accidentelle.

La sérendipité, motrice de découvertes scientifiques : D’abord bornée à la littérature, la notion de sérendipité s’étend à la recherche scientifique, plus précisément aux découvertes en science. Elle a été notamment étudiée par le sociologue américain Robert K. Merton – dans l’ouvrage Social Theory and Social Structure -1949 – pour qui la sérendipité consiste en l’observation de faits étonnants, qui semblent contradictoires avec les faits ou la théorie établis, suivie d’une induction (un mode de raisonnement) correcte.

La sérendipité est ainsi source de créativité dans la recherche. Les faits surprenants nourrissent la curiosité du chercheur, qui s’en servira de façon stratégique pour développer une nouvelle piste de recherche fructueuse. Ces faits lui donnent l’occasion de développer une nouvelle théorie ou d’élargir une théorie existante.

La sérendipité s’exerce couramment – et parfois abusivement – dans la recherche et l’innovation scientifique. Les exemples fréquemment cités incluent la découverte de la pénicilline ; l’invention du four à micro-ondes, de la carte à puce, etc. »

La sérendipité joue un grand rôle dans des domaines comme la politique, les art…, au point qu’il soit permis de se demander si un authentique artiste peut ne pas en être doué, pour être considéré comme tel par ceux qui sont seulement intelligents, surtout lorsque leur intelligence est proche de l’IA, c’est-à-dire dépourvue de sensibilité, comme c’est le cas de trop nombreux scientifiques ; ce qui a peut-être fait dire à Rabelais que « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme ».

Selon les sources, la sérendipité est la conjugaison, dans des proportions très variables, de la connaissance, de l’expérience, de la sensibilité, de l’intelligence, de l’imagination, de l'intuition...

La sérendipité est-elle “artificialisable”, comme l’est l’intelligence » ? Dans la négative, cela ne dénoterait-il pas une faculté supérieure à l’intelligence ?

La sérendipité permet en tous cas à ceux qui en sont détenteurs, de compenser leur manque d’instruction – voire d’intelligence –, par une spontanéité contraire au formatage politique ou religieux, ou résultant de tout académisme, consistant trop souvent à transmettre des savoirs plutôt que d’enseigner à apprendre, ceci au détriment de l’imagination des apprenants, du développement de leur esprit de synthèse, et d’une confusion entre contestation, rébellion et esprit critique.

Sérendipité = faculté de voir au-delà du connu et de soi-même.

La Sérendipité ignore le formatage et favorise l'analyse, l'analogie, la synthèse.

jeudi 22 décembre 2022

Pourquoi la pyramidologie sociale ?

Article publié le 22/12/2022, révisé le 06 octobre 2023

1 — Les schémas qui suivent ainsi que les données factuelles et chiffrées étayant le raisonnement qu’ils illustrent sont de notoriété publique et vérifiables, le plus souvent empruntés à des disciplines scientifiques qui en garantissent le sérieux et l’authenticité.

2 — Le contenu ci-après ayant pu être actualisé depuis sa dernière publication, les lecteurs désireux de s’en assurer et d’éventuellement l’approfondir, ont cette possibilité en visitant le blog (sans publicité) https://pyramidologiesociale.blogspot.com/ où il figure parmi les articles qui y sont publiés et archivés depuis plus d’une décennie.

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Sauf à contester que le polyèdre pyramidal soit représentatif d’une société fondée sur l’interdépendance hiérarchisée de ses membres, comme l’est l’humanité, l’étude de la relation existant entre cette dernière et le caractère pyramidal de sa structure sociale, conduit à s’interroger quant aux raisons pour lesquelles elle est généralement ignorée, négligée, voire niée, tant par la grande majorité des êtres humains que par leurs pouvoirs.



À la recherche d’une réponse à cette question, dont l’importance ne peut être sous-estimée, il est donc prudent de commencer par vérifier en quoi le polyèdre pyramidal est représentatif de cette structure, sans s’égarer dans le mystère d’innombrables pyramides élevées de tous temps et en tous lieux de la planète, bien qu’un tel rapport ne semble pas impossible. Ce serait sinon, flirter avec un ésotérisme incompatible avec l’objectivité que l’auteur se fixe comme règle, ce qui manque le moins à des êtres humains de tous temps dominés par leurs peurs et leurs émotions, étant les certitudes qu’ils tirent de leurs croyances religieuses fondées sur le mystère, et des idéologies les plus diverses en tenant lieu pour de nombreux athées et agnostiques.

Dans une société dont le bonheur trop souvent réduit au confort de celles et ceux qui y prétendent, se mesure à l’aune de sa richesse, notamment matérielle, celle-ci est distribuée à la population selon les hasards de la naissance et de l’héritage génétique, social et culturel de chacun, puis selon les aléas heureux ou malheureux de son existence par la suite. C’est par ces hasards et aléas que la structure sociale de l’humanité est pyramidalisée et que chacun y occupe incontournablement sa place dans une mobilité elle aussi structurellement limitée : à population constante, tout déclassement de l’un de ses occupants entraînant le déplacement d’un autre en sens inverse.

C’est ainsi, que sa croissance démographique garantissant à l’espèce humaine sa mobilité sociale, qu’existent et se creusent depuis toujours les inégalités sociales dont elle souffre. Base et sommet de la pyramide sociale s’éloignant sans cesse l’une de l’autre en raison d’un accroissement incessant de la population humaine et de ses besoins, il en résulte que le développement jusqu’à l’hypertrophie, de l’indissociable “binôme économie/population” celle-ci conditionnant inéluctablement celle-là voue l’ensemble du vivant sur Terre, à son extinction.


Expression graphique du binôme population/économie et de son évolution

Ou comment les membres de chacune des 3 catégories sociales peuplant la pyramide du même nom, se partagent chacune 1 tiers de la richesse collective.



Répartition de la richesse de la société

par catégories sociales




Telles sont les fondamentales autant que fatales résultantes de la relation entre la condition humaine et le caractère pyramidal de sa structure sociale.

Sachant que richesse et pauvreté existent l’une par l’autre, dans leur relativité – sans riches point de pauvres et réciproquement –, il en découle plus particulièrement que la plus grande honte de l’humanité est la pauvreté absolue d’une large partie de sa population, alors que ce sort n’est pas inéluctable puisque précisément par son caractère absolu, elle échappe à sa relativité, en tant que contraire d’une richesse qui quant à elle ne peut âtre que relative. Cette pauvreté absolue, profonde, extrême… est celle des plus déshérités des humains, qui survivent à la base de la pyramide sociale, là où elle coïncide avec le niveau zéro de sa richesse collective. Avec moins de 2 $ quotidiennement selon la définition de l’ONU à ce jour (années 2020), la situation de ces pauvres profonds est généralement la conséquence d’un manque de formation ou d’instruction pouvant aller jusqu’à l’illettrisme, dans une société qui pénalise l’une comme l’autre. En l’absence du revenu qu’ils devraient tirer de leur travail, ces plus pauvres des pauvres survivent donc d’aides plus ou moins assurées résultant de la charité ou de la solidarité publique, spontanée ou résultant de la redistribution d’une partie de la richesse collective. Et depuis que l’homme existe, le nombre de ces pauvres ne cesse de croître avec le développement du binôme population-économie, telle que l’illustre à tout moment l’étendue de la base de la pyramide sociale et sa distance par rapport à son sommet.

Or quels savants experts en sciences humaines, ou philanthropes parmi les mieux intentionnés, font-ils mention de ce niveau zéro de la richesse collective, ne serait-ce que pour expliquer la permanence de ce véritable tonneau des danaïdes sur lequel butte la révolte aveugle des uns, quand l’immense majorité restante accorde si peu d’attention à la dimension structurelle de sa propre condition.

Lié au fait que si la richesse n’a pas d’autres limites que celles des ressources dont la tirent ceux qui la convoitent, la pauvreté a par contre la sienne, qui est ce niveau zéro sous lequel nul ne peut descendre sans être frappé d’exclusion sociale. D’ailleurs, la compassion atteint rarement ce point, considérant que c’est le prix à payer par ceux qui s’y trouvent condamnés, pour connaître le bonheur dans l’au-delà. Plus communément, dans l’amalgame entre pauvreté relative et pauvreté absolue, ces pauvres profonds sont incités, avec les autres pauvres, à persister dans la croyance en la mystérieuse autant que miséricordieuse abolition de leur condition ici-bas, alors qu’ils s’y multiplient inexorablement – et structurellement davantage et plus rapidement que les riches. Mathématiquement, par application des propriétés du polyèdre pyramidal dont nous avons vu ci-dessus que le volume peut conventionnellement indiquer le degré de peuplement, sur 100 humains qui l’occupent 14 sont riches alors que 86 sont pauvres et le resteront, non sans vouer leur descendance à leur propre sort. C’est dans ces conditions que charité et solidarité humaine, privées comme institutionnalisées, leur dispensent de quoi les entretenir dans un état où les entraînent inexorablement et proportionnellement une croissance démographique incessante.

Plutôt que de s’en défendre, confortés dans leur vaine espérance par un progrès scientifique et technique profitant à chacun selon son rang, et par des pouvoirs avant tout soucieux de voir croître l’effectif humain sur lequel ils se fondent et prospèrent, ceux qui vivent à proximité ou au niveau zéro de la richesse collective sont entretenus dans la croyance en leurs chances d’y échapper – quand ils ne s’y sont pas résignés – et contribuent ainsi au développement de l’indissociable autant qu’insatiable binôme économie/population. Au point que l’humanité apparaisse, après des millénaires d’un progrès strictement dépendant de sa structure sociale, au sens le plus direct du terme, comme un système dont les maîtres sont promis à être submergés par le nombre de leurs esclaves, avant que ces derniers soient remplacés par des robots capables de se reproduire, de se perfectionner, de s’entretenir, et de se diriger dans la plus parfaite discipline ; sans autre besoin que d’être alimentés en énergie, le tout sans poser le moindre problème de gouvernance. Car au-delà du risque alimentaire sur lequel s’est à tort focalisé Malthus – comme il l’a publiquement reconnu –, ou du manque d’espace vital craint par d’autres prophètes sommairement malthusiens, l’ingouvernabilité croissante de l’humanité, telle qu’elle résulte de sa prolifération, n’est-telle pas démontrée chaque jour par des faits dont le dernier de ceux qui y contribuent et les subissent est informé à jet continu ? Toujours est-il que cette ingouvernabilité apparaît comme le premier des dangers, pour l’humanité elle-même comme pour son habitat et toutes les espèces qui le peuplent avec elle, et que l’explosion de la pyramide sociale mondiale devient la catastrophe à la fois la plus à craindre et la plus probable, si le temps lui en est laissé.

C’est aussi de la sorte :

– Que d’une part, les humains ont laissé la pauvreté se développer au point que ceux qui en sont atteints soient aujourd’hui 6,88 Milliards à peupler la Terre pour 1,12 milliards de riches, à comparer aux 215 Millions de pauvres pour 35 Millions de riches du début de notre ère, quel que soit le nombre de ceux qui échappent à la pauvreté dans le monde actuel, grâce au fantastique progrès scientifique et technique qui le caractérise.

– Que d’autre part l’humanité en est à consommer en six mois, plus du double de ce que son habitat peut lui offrir pour satisfaire ses besoins d’une année entière (Cf. “Notre empreinte écologique” , Éditions écosociété).

– Que la quasi-totalité des démographes, économistes et autres sociologues, continuent d'oeuver dans le déni d’une réalité pourtant flagrante, et à encourager tous les pouvoirs, à commencer par le religieux et le politique, à en rester à leur dogme surnataliste plutôt que d’accepter la nature pyramidale de la société, sans la prise en compte de laquelle rien de sérieux ni de durable ne s’est jamais fait, ne se fait, ni ne pourra se faire pour le progrès de l’homme désormais trop souvent dénué d’humanisme. Ceci étant, le même reproche s’adresse à ceux qui combattent ces pouvoirs, puisque rares sont parmi eux ceux qui dénoncent le déni de réalité sur lequel ces derniers se sont établis et perdurent.

Si tout espoir de reprise ou de simple rétablissement durable de l’économie, par recours à de nouvelles formes d’énergie demeurent problématiques, sur une planète où se situe probablement encore pour quelque temps le destin de l’homme – sauf peut-être pour une infime minorité de Terriens abandonnant leur habitat pour aller infliger ailleurs leur super prédation –, une solution existe pourtant qui réside, plutôt que dans une lutte des classes dont l’archaïsme garantit l’impuissance, attestée par la rémanence des revendications sociales les plus anciennes de surcroît en cours de complication par l’émergence et la réactivation d’autres luttes et guerres entre religions, sexes, générations… ; contre les effets du réchauffement climatique ; l’accès à des ressources vitales comme l’eau douce, etc.

Cette solution, à portée de l’homme, pourrait consister – s’il en est encore temps – à :

1° Réduire et maîtriser d’urgence, la démographie humaine, là où elle en a le plus besoin, par une politique intensive de dénatalité expliquée et consentie.

2° Verser à chaque humain un revenu : universel, minimum et inconditionnel, garantissant sa dignité, par la satisfaction de ses besoins vitaux – pour un coût inférieur à tout ce qui est dépensé aujourd’hui en secours sans lendemain.

Répartir, entre tous les pays du monde, des moyens de production, ce levier majeur dont dispose l’humanité entière, bien que détenus à ce jour par les seuls pays les plus avancés, parce que créés par eux en raison de leur richesse, alors que les ressources qu’elles exploitent, transforment, produisent et vendent, proviennent pour l’essentiel des pays pauvres.


Quelques données en signe d’ultimatum

– Le nombre des riches occupants du sommet de la pyramide sociale mondiale étaient en 2011 de 259 millions environ (3,7 %), alors que la population mondiale était estimée à 7 milliards d’humains, et que celle des pays riches – OCDE – en représentait 18 %, soit 1,18 milliard, riches et pauvres confondus (car il y a aussi des pauvres, et même des pauvres profonds, dans les pays riches).

– Pour le seul continent africain, sa population était estimée à la même époque à 1,1 milliard. Or, De 100 millions en 1900, cette population africaine était passée à environ 275 millions dans les années 1950-1960, puis à 640 millions en 1990 et à 1,4 milliard en 2022 soit 18 % de la population mondiale. Et depuis 1950, les projections de l’ONU à 30 ou 50 ans – qui se sont révélées relativement correctes – la population de l’Afrique subsaharienne uniquement pourrait être à la fin du siècle de 3 milliards d’habitants. Et selon la projection démographique intermédiaire de l’ONU, tenant compte des scénarios moyens d’évolution prévue, principalement de la mortalité, de la fécondité et de la structure par âge, dans les années 2050 la population de l’Afrique se situerait aux environs de 2,5 milliards puis – projection beaucoup plus incertaine – vers 4,4 milliards en 2100.

– S’agissant de la prolifération humaine et de son vieillissement, tels qu’ils sont promis à augmenter encore… si la nature leur en laisse le temps :

– Croissance de la population humaine mondiale :

  • 250 millions d’individus en l’an 1 de notre ère, à :

  • 1 milliard en 1800

  • 8 milliards en 2022

  • 11 milliards et davantage au début du prochain siècle

  • + 14 % au cours des seules 20 dernières années.

– Augmentation de l’espérance de vie humaine en 2 000 ans :

  • Au début de notre ère : Une vingtaine d’années.

  • En 1800 : Encore inférieure à 25 ans.

  • En 2020 : 80 ans, boostée par le progrès scientifique et technique, depuis la première révolution industrielle.

  • 90 ans pour 2030.


Aura-t-il fallu des millénaires après le triomphe du monothéisme biblique, pour que l’homme réalise à quel point sont catastrophiques les conséquences de l’obscurantisme sur lequel son espèce s’obstine à prospérer – civilisation occidentale en tête ? Ou son imprévoyance démographique l’a-t-elle trahi, jusqu’à ce qu’en pâtisse son habitat et toute la vie qui le peuple avec elle ?

À moins que ce soient les codificateurs de ses croyances religieuses, à qui il reste l’exégèse, ne serait que pour lever leur dogme (sur)nataliste, puisque c’est par lui que les êtres humains ont été portés à l’irrespect de leur environnement ; préférant à leur bien-être durable la puissance aveugle de leur nombre, avec la complicité d’un pouvoir scientifique en mal de conscience.

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Les êtres humains, qui s’avèrent être à la fois instigateurs, victimes et prisonniers d’une mystification leur donnant à croire en l’illusoire disparition d’inégalités sociales structurelles, dont la pyramide sociale est la représentation pourtant connue et admise par le plus grand nombre d’entre eux, seront-ils capables d’en tirer à temps les conséquences ?


Schéma d'éradication de la pauvreté profonde,

reposant sur le caractère structurel de la société humaine


Parmi les principales difficultés d'application :

Niveau général de la conscience et de la sensibilité de l’être humain à sa propre condition.
Résistance des tabous religieux et politiques dont sont frappées toutes questions de (sur)population humaine.
Vieillissement de la population humaine mondiale.
Délais d’acceptation et de mise en œuvre, dans l’urgence requise, de mesures expliquées et consenties, par les populations directement concernées.
Etc.

mardi 30 août 2022

Croire en Dieu au XXIème siècle

Croire en Dieu au XXe siècle

Article révisé le 04/12/2023

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Quand l’humanité atteint un état de dégradation, de violence et de désordre comme jamais n’en ont connu les civilisations ayant laissé des traces de leur passage ; au point d’y entraîner les autres espèces qui peuplent la Terre avec elle, le doute est-il toujours interdit ? Dieu peut-il exister ? Ou alors qu’a-t-Il à voir avec l’harmonie que prêchent ses religions et ce qu’en pensent nombre de ceux qui seraient Ses créatures ?

Le Christianisme n’a pas été le premier credo, et n’est pas le seul, dont se soit doté l’homme pour satisfaire sa spiritualité, considérée ici comme cette faculté qu’il porte à son plus haut degré parmi toutes les espèces peuplant la planète, pour tenter d’expliquer ce qu’il ne peut comprendre. Ayant conscience de lui-même au sein d’un tout dont il ignore objectivement l’après et entrevoit péniblement l’avant avec l’aide de la science, il vit depuis qu’il existe dans une angoisse existentielle à laquelle il ne peut répondre que par sa sensibilité et son imagination, assujetties à ses émotions et à ses sentiments, eux-mêmes brouillés par sa crédulité et ses superstitions ; sans omettre une vanité refusant sa propre remise en cause. C’est ainsi qu’entre un bien et un mal conditionnant sa vie en société, il parvient à effectuer le bref parcours allant de sa naissance à sa mort, face aux mystères d’un au-delà que ceux qui s’en font les codificateurs – non sans en tirer un considérable pouvoir temporel – lui présentent puérilement comme la récompense ou la punition d’un comportement social, dont la maîtrise lui échappe chaque jour un peu plus, confisquée par le nombre.

Comme en attestent les innombrables courants de la pensée religieuse, la connaissance de la Vérité n’a jamais manqué de prétendants, qui ont propagé des doctrines, des plus sommaires aux plus élaborées ; aux rites aussi nombreux que variés ; aux dogmes établis sur des références plus discutables les unes que les autres ; qu’elles aient été révélées ou spontanées ; de transmission écrite ou verbale ; avec ou sans les emprunts des unes aux autres, dont ceux de la Bible à Confucius sont un flagrant exemple. Sous la conduite de leurs prophètes et de leurs prêtres, le nombre et le zèle de leurs adeptes ont fondé concurremment le pouvoir de chacune, la championne étant appelée à faire triompher son Dieu par une fusion de toutes en une seule. Serait ainsi enfin honoré un seul et même Dieu, créateur de lui-même avant d’avoir été celui de l’univers ; dans Son infinie miséricorde. Mais c’est là l’essentiel de la métaphysique, car si cette miséricorde est absente de la création, qui l’a inventée sinon l’homme ? Et qu’en est-il alors d’un Dieu de bonté et de tout ce qui s’en réclame ?

Or cette bonté se déclinant en miséricorde, amour, compassion, mansuétude, pardon, etc. n’existe que par son contraire, l’un neutralisant l’autre. En d’autres termes, la bonté n’existe pas dans l’absolu, comme le démontre à tout instant le vivant, du moins aux yeux de ceux dont la foi n’altère pas le sens de l’observation. Comme pour toutes les espèces peuplant l’univers connu, le sort de chaque être humain est soumis, avant toute autre considération, aux hasards de sa naissance ; à son héritage génétique social et culturel ; et aux circonstances dans lesquelles s’exprimeront ensuite ses faiblesses et ses talents, innés ou acquis. Sachant par ailleurs que tout déclassement dans un sens de l’un des occupants de la pyramide sociale entraîne, à population égale, le déclassement d’un autre en sens inverse, en quoi consiste dès lors la bonté divine, sinon dans la croissance du nombre de ces occupants ? La miséricorde divine se réduirait-elle à la promesse du pardon inconditionnel de péchés qui n’ont pu être commis que selon Sa volonté, laquelle dote chacun de sa capacité de céder ou de résister à la tentation ? La foi répondant à cette question par ses mystères, reste au pragmatique à constater que la vie est donnée pour quelques instants, qu’elle soit accordée au papillon ou à l'être humain, dans un univers où le temps comme l’espace se comptent en années lumières. L’homme, comme tout autre représentation du vivant, naîtrait donc pour mourir aussitôt, en se voyant accordé, de l’enfant au vieillard et du débile au génie, le temps insignifiant à l’échelle de l’univers, de faire un bien et un mal définis par eux-mêmes, en vue d’une récompense ou d’une punition dans l’au-delà ? Une telle occupation paraît bien puérile pour un Dieu ! Et surtout, à quoi se réduit alors cette liberté qu’aurait l’homme de choisir ou simplement d’influencer son propre destin ?

Moins abscons, la réponse à cette question est peut-être que pour atteindre le niveau de civilisation auquel elle et parvenue, il a fallu que l’humanité fasse un sérieux effort de discipline et d’obéissance. Bien que rigoureusement indispensable à la vie en société, ces traits de caractère n’étant pas son point fort – comme en témoigne la parabole de la perte du paradis terrestre – ils ont pu être obtenus par les premiers codificateurs de ses règles de vie, par application du principe selon lequel « la peur est mère de la sagesse ». Ce serait alors avoir fait appel à cette spiritualité, que l’homme a développé plus que toute autre espèce, à partir de la conscience qu’il a de lui-même et qui autorise chacun à donner plus ou moins libre-cours à ses croyances ; sachant que faisant appel à un échange neuronal qui cesse dès que le cerveau n’est plus alimenté en énergie, ceci peut expliquer que ces acquis aient tant de mal à perdurer. Quoi qu’il en soit, la croyance en l’existence comme en la non-existence de dieu(x) repose sur cette fonction cérébrale. Autrement dit, la foi et son contraire qu’est le doute, sont logiquement interrompues par la mort; même si, pour tenter d’y faire échapper l’esprit, la mémoire de chacun est érigée en âme, avec autant de romanesque vanité que d’inégalité. Sans compter la question subsidiaire à laquelle engage la réalité de cette inéluctable impasse temporelle : Pourquoi l’être humain se distinguerait-il de tout ce qui peuple l’univers, au point de se voir promettre une existence éternelle – quelle qu’en soit la forme – alors que son espèce disparaîtra un jour, avec l’âme qui y serait attachée et son habitat qu’est la Terre, sans que le cosmos n’en manifeste davantage d’émoi que pour l’extinction de n’importe quelle étoile, comme il s’en produit à chaque instant, parmi les milliards offerts à sa vue ?

Le pouvoir politique ayant compris l’avantage qu’il pouvait tirer du procédé pour soumettre les peuples, il en a lui aussi usé et abusé depuis. Et c’est ainsi que la religion ayant d’abord fait les rois, ceux-ci ont avec son soutien dominé les peuples et construit les nations ? D’autres pouvoirs étant nés depuis – dont le scientifique, porteur de l’exonération de la loi de sélection naturelle – un considérable progrès matériel en a résulté, pour le meilleur et pour le pire, à l’égard d’un environnement planétaire fini. Et c’est aujourd’hui cet environnement qui, saccagé et ruiné par le premier de ses prédateurs, réclame réparation :

— À un obscurantisme ayant amplement fait ses preuves et dont l’exemple le plus préjudiciable a été et demeure le dogme (sur)nataliste par lequel la prolifération humaine a eu lieu au détriment de la planète et de la vie qui l’habite. La démesure de la population humaine doit tout en effet à ses encouragements, plus soucieux d’un pouvoir proportionnel au nombre de ceux qui s’y soumettent, que de leur bien-être ici et maintenant. Il n’est pas en effet un de ces pouvoir, à commencer par le religieux et le politique, qui n’ait eu pour premier souci l’accroissement du nombre de ceux sur lesquels il s'est fondé, a prospéré, et continue de le faire. Le “croissez et multipliez” de la première religion du monde et la promesse de “la conquête du monde par le ventre de ses femmes” de la seconde en attestent, plus de 8 humains sur 10 s'en trouvant structurellement condamnés à la pauvreté par les hasards de leur naissance.

— À une pensée unique, bâillonnant la liberté de pensée au profit de la montée du sentiment religieux partout dans monde, face à son insécurité croissante, se traduisant par la soumission à des croyances d’une intolérance qui menace chaque jour un peu plus ceux qui prétendent penser par eux-mêmes. L’athéisme et l’agnosticisme ne sont-ils pas passibles de prison, voire de la peine de mort, sous certains régimes où le religieux ne “fait plus les rois” mais s’approprie le pouvoir politique ?

— À l’ignorance sous toutes ses formes, parce que cause première du dérèglement des émotions et sentiments de l’être humain, au point de lui faire perdre le peu de raison qu'il lui reste et de se soumettre inconditionnellement à ses utopies.

À l’exemple du religieux, dont le pouvoir se mesure à ses effectifs, respectueux du dogme (sur)nataliste, en est-il un seul autre qui se jauge autrement – sauf impératif de rentabilité – qu’au nombre de ses citoyens, électeurs, contribuables, partisans, soldats, salariés… ? La maîtrise de la prolifération humaine et le respect de son environnement, ne consisteraient-ils pas au contraire à s’abstenir de produire toujours plus de chair à boulot, à canon, à obole, à conso, à impôt – ne seraient-ce qu’indirects pour les plus pauvres, lesquels sont aussi faiblement que ce soit des consommateurs toujours plus nombreux ? – N’est-ce pas cette invitation que la nature lance à sa manière quand se rompent ses grands équilibres, à commencer par le biologique ?

Sachant que le pire dommage pour l’être humain, réside en tout état de cause dans la confiscation de sa liberté de disposer de lui-même, depuis sa conception jusqu’à sa mort, du fait de l’interdiction dogmatique lui étant imposée par le pouvoir religieux en accord avec le politique, faut-il souhaiter la disparition des religions ? Les erreurs de l’humanité auraient-elles été pires en l’absence de cette férule ? Il est possible d’en douter autant que d’y croire, ceux qu’elle s’est donnée pour guides étant eux-mêmes des hommes et des femmes faillibles, mais raisonnablement, non. Ce serait nier les beautés et autres attraits dont la vie peut aussi être faite et surtout : priver l’être humain d’un aliment autant indispensable à son esprit que le pain l’est à son corps.

Mais il n'en demeure pas moins que croire en Dieu au XXIe siècle sans exégèse, comme cela a été le cas pendant des millénaires en matière de (sur)population :

— C’est nier les enseignements de ce passé et souffrir que les pires abominations soient perpétrées en Son nom, aux dépens de la Terre et de l’ensemble du vivant qu’elle abrite, sans préjuger de ce qui pourra en advenir sur d’autres planètes.

— C’est voir et accepter pour ce qu’il est, le caractère incontournablement pyramidal de toute structure fondée sur l’interdépendance hiérarchisée de ses membres, comme l’est celle de la société humaine, avec toutes conséquences sur son environnement.

 C’est purement et simplement condamner à mort la démocratie. 

Autant de dangers qu’exprime d'ailleurs l’ultime espoir que place encore l’humanité dans l’arlésienne d’une transition démographique, porteuse du rééquilibrage de l’indissociable binôme population/économie.

Une réorientation de la spiritualité est-elle au demeurant impossible, pour la mettre au service d’un objectif temporel d’amélioration de la condition humaine, ici et maintenant ? Ceci ne saurait en tous cas nuire, pour tous les croyants, à l’atteinte du bonheur qu’ils visent dans l’au-delà auquel ils croient.


https://pyramidologiesociale.blogspot.com/2020/01/du-binome-economie-population.html

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samedi 18 juillet 2020

De l'agnosticisme

« Je considère comme une sorte de stupidité folle de chercher la nature de Dieu, de s’interroger sur ce qu’il est. Car je pense que les hommes ne peuvent pas même comprendre correctement les affaires des hommes, et donc encore moins la nature de Dieu. » Procope


Bien des croyants ainsi que des adeptes de la religion du non-Dieu que sont les athées, taxent l’agnostique d'indécision ou pour le moins de perplexité. Il n’est donc pas inutile d’évoquer quelques-unes des raisons sur lesquelles son choix peut être dénué d'embarras. Ceci dit, l’auteur précise que toutes les croyances et opinions lui semblent d’autant plus dignes de considération qu’elles sont réfléchies, sincères, et respectent celles d’autrui.

Parce qu’il a insuffisamment – ou trop – conscience de sa condition, l’être humain est dominé par ses sentiments et ses émotions? au premier rang desquels figure depuis toujours – et à juste titre –, son angoisse existentielle. Pour y remédier, son imagination lui permet de se réfugier dans le roman, la poésie, la chanson – de la ritournelle au cantique –, le théâtre, le cinéma, la TV... Il s’abandonne de la sorte à l’utopie et au mystère, ces formes supérieures de la fiction, auxquelles s'ajoute l'usage des stupéfiants par ceux, toujours plus nombreux, à qui ces formes ne suffisent pas.

Son langage, dont le degré d’achèvement le distingue, entre autres spécificités, de la multitude des espèces peuplant notre univers connu, ainsi que les autres moyens d’expression et de communication dont il a su se doter, ne peuvent qu’y encourager l'homme ; d’autant plus que sa vanité y trouve confirmation de la distinction dont il serait l’objet de la part des Dieux, refusant bien entendu l’idée que Ceux-ci puissent être nés de ses propres fantasmes.

Car c’est précisément sa spiritualité qui différencierait avant tout l’homme des autres espèces. Mais cette spiritualité n’est-elle pas, comme son langage, une de ces facultés distribuées aussi inégalement que les autres, entre toutes les espèces peuplant l’univers ? Qui prouve que tel ou tel sujet peuplant celui-ci n’en soit pas doté sous une forme plus ou moins élaborée, restant à découvrir ?
Un seul des atomes dont l’homme est fait, lui est-il exclusivement réservé ? Outre l'immortalité dont ces atomes ont l'exclusivité parmi les innombrables éléments dont est fait l'univers connu, tous ne se retrouvent-ils pas dans les éléments constituant son environnement ; qu’ils soient liquides, solides ou gazeux, animés comme inertes, vivants ou morts, chauds ou froids, visibles ou invisibles… ? En quoi l’homme se distinguerait-il dès lors, de tout ce qui peuple cet univers ? Quoi d’autre qu’un imaginaire débridé l’a mené à se voir promettre une existence éternelle ? Son espèce ne disparaîtra-t-elle pas un jour, avec l’âme ou plus simplement le souvenir auquel il a la vanité de donner ce nom et son habitat qu’est la Terre, sans que le cosmos n’en manifeste davantage d’émoi que pour l’anéantissement de n’importe quelle étoile, comme il s’en produit à chaque instant parmi les milliards de milliards offertes à sa vue ?

Il s’avère en tout cas qu’en l’absence de réponses autres que celles fournies par des mystères et des révélations dont la signification est réservée à ceux qui ont la foi, des hommes ont de tous temps compris le pouvoir sur leurs semblables qu’ils pouvaient tirer de leurs peurs ; pouvoir d’autant plus grand que ces peurs et la crédulité qui les attise sont partagées. Très tôt, à l’échelle de nos civilisations, des individus ont compris le pouvoir sur leurs semblables que pouvait leur donner, pour le meilleur et pour le pire, le contrôle de leur spiritualité. Plusieurs ont dès lors pu apparaître comme les ambassadeurs de leurs croyances, chargés de faire connaître et de codifier celles-ci, dans les circonstances et les mœurs de leur époque, là où ils se sont manifestés. La surenchère née de ces initiatives a pu ensuite évoluer en guerres, suscitées par l’ambition de conquérir un maximum d’adeptes. Puis, comme par un effet du balancier rythmant tant d’autres aspects de la vie, est apparue la nécessité de revenir à la réalité, en étudiant des faits avérés ; en raisonnant plus ou moins logiquement ; avec l’aide de l’expérimentation, jusqu’à la preuve à laquelle conduit la démarche scientifique. Mais là encore, l’espoir que celle-ci finisse par triompher de peurs, non plus dues aux mystères de la création, mais à celles résultant de découvertes d’un nouvel ordre, est sans cesse différé.

L’homme peut-il donc raisonnablement penser que cette science, parvenue à expliquer nos peurs – à défaut de les faire disparaître – annihilera la spiritualité de l’homme ? Voici qui paraît peu probable, tant elle semble être liée à la vie, dans le combat que celle-ci livre depuis son apparition, à un environnement lui opposant une résistance farouche, en même temps qu’il lui offre ce dont elle a besoin pour perdurer.

Telles peuvent être les raisons de l’homme qui, face à de telles incertitudes et à l’impuissance de l’espèce dominante à laquelle il appartient à les vaincre, choisit de s’en remettre à lui-même, pour se garder d'un abus de sentiments et d’émotions pouvant le faire dévier de cette option, ce que favorise la simple observation d'une réalité quotidienne accessible à tous.

Nous y reviendrons.

dimanche 30 juin 2019

Dictature des sentiments et Techno-optimisme

Davantage encore que du “techno-optimisme”, méfions-nous de la “dictature des sentiments” dont il est le sous-produit.

Nicholas Phillips est l’auteur de l’article dont la traduction par Peggy Sastre, telle que reprise ci-après, a été publiée le 29/06/2019 par Le Point.fr. Chercheur associé à l’Heterodox Academy, il vit à New York. et est aussi étudiant en droit et écrivain. Twitter @nicholas_c_p. Cet article, d'un intérêt exceptionnel dans le contexte planétaire actuel, a originalement été publié par “Quillette” le 6 juin 2019.


« Dans les années 1850, lorsque le télégraphe révolutionnait les communications, Henry David Thoreau y allait de son mépris. « Nous n’avons de cesse que nous n’ayons construit un télégraphe magnétique du Maine au Texas, écrivait-il dans Walden ou la vie dans les bois, mais il se peut que le Maine et le Texas n’aient rien d’important à se communiquer. » Si Thoreau avait tort, son scepticisme vis-à-vis d’une invention en fin de compte bénéfique est une réaction fréquente au changement, tant dans le passé que dans le présent.

On trouve une fascinante collection de ces réactions dans un podcast, Pessimists Archive, dont les épisodes cataloguent les peurs injustifiées suscitées par des innovations comme le téléphone (accusé de nuire à la vie sociale), le vélo (accusé de divers troubles médicaux) et le roman (accusé de corrompre la jeunesse). Dans le podcast, ces réactions excessives sont présentées comme des avertissements envers les aporétiques de la Silicon Valley et son message passionne certaines célébrités. Selon Steven Pinker, le podcast serait ainsi « inestimable dans sa mise en perspective historique des paniques morales technologiques actuelles ».

La mise en perspective est toujours précieuse. Mais je crains que Pessimists Archive et ses fans n’en viennent à un argument plus spécieux : parce que, dans le passé, des peurs étaient injustifiées, alors celle du présent le sont aussi. Si le téléphone, la bicyclette et le roman sont aujourd’hui intégrés dans nos vies, alors [l’intégration] de l’intelligence artificielle, des voitures autonomes et [de] la robotisation couleront aussi de source. Les producteurs du podcast en font la démonstration dans leur tout premier épisode, qui leur tient lieu de manifeste : nous savons tous quel a été le destin du téléphone, du vélo et du roman. Nous les adorons. Les peurs qu’ils ont suscitées étaient absurdes. Alors posons-nous la question : pourquoi recommencer  ? Pourquoi se dit-on toujours : « Non, cette fois c’est différent, nous sommes réellement en danger. » Pourquoi ne pas faire confiance à notre propre histoire  ?

La recette de l’égarement.
On retrouve ici une foi techno-futuriste très en vogue où la nouveauté serait tout le temps et toujours synonyme de progrès destiné à triompher du conservatisme. Comme si l’arc de l’histoire tendait forcément vers la disruption et que nos propres craintes face aux technologies transformatrices allaient un jour paraître aussi irrémédiablement ridicules que celle d’un Thoreau conspuant le télégraphe. Telle est la véritable valeur de Pessimists Archive : révéler comment l’optimisme technologique n’est pas grand-chose d’autre qu’un sophisme, dont la fausseté a de quoi fasciner.

« Faire confiance à notre propre histoire » signifie prendre le passé comme référence pour savoir ce qu’il en sera de notre futur. Soit la recette de l’égarement. Pour prévoir le futur, la seule chose sur laquelle on pourrait sans doute compter est l’émergence d’événements inédits et imprévisibles allant à l’encontre de toutes les tendances connues. En 2008, à la veille de la crise des subprimes, aucun modèle de prédiction de l’évolution des prix ne prévoyait leur effondrement – pour la simple et bonne raison qu’un tel effondrement n’était jamais survenu. Les données de prix étaient historiques et l’extrapolation de cette histoire dans le futur nous a fait ignorer l’éventualité d’un événement anhistorique. Ou, pour reprendre la formule de Pessimists Archive, le « cette fois, c’est différent » est toujours possible.

Sauf que les techno-optimistes vont encore plus loin : ils se fondent sur le destin d’une innovation pour prédire celui d’une autre et dire qu’il sera totalement différent. Ce qui fait passer le raisonnement d’imparfait à absurde. Par exemple, lorsque les techno – optimistes comparent l’angoisse face aux voitures autonomes aux récriminations du secteur des calèches à cheval lors de l’avènement de l’automobile, ils ignorent que les voitures autonomes posent des problèmes radicalement différents de ceux des automobiles en leur temps. Les voitures autonomes sont en passe de recueillir d’immenses quantités de données personnelles sur les habitudes de leurs passagers, et leur structure en réseau crée de sérieux risques pour la sécurité nationale. En quoi les succès des premières automobiles au début du XXe siècle pourraient-ils être d’une quelconque pertinence ?

Les humains débordent de mauvaises idées
Selon le philosophe politique Gerald Gaus, moins il existe de précédents pour le fonctionnement d’une quelconque pratique, moins il y a de raisons de la privilégier. Dans le cas de nouvelles technologies impliquant des problèmes totalement inédits, les données dont nous disposons sur les réussites de technologies passées ne sont tout simplement pas judicieuses. L’histoire ne nous donne aucune raison de préférer un monde dans lequel, par exemple, le gros du travail manuel serait automatisé. Cela n’est encore jamais arrivé.

Pourquoi faire de telles analogies historiques ? Parce que c’est facile. Si nous pouvons dire que le changement A est identique au changement B qui s’est passé sans encombre, alors cela nous évite d’avoir à réfléchir sur les véritables caractéristiques du changement A. L’argument par analogie occulte le fond de l’argument. Il est bien plus commode d’affirmer qu’un changement passé a été bon, qu’un changement actuel est identique au changement passé et que, dès lors, le changement actuel est tout aussi bon.

Malheureusement, et en toute objectivité, la plupart des nouveautés ne sont pas bonnes. Les humains débordent de mauvaises idées. 90 % des start-up et 70 % des petites entreprises terminent le bec dans l’eau. Seulement 56 % des dossiers de brevet sont acceptés et environ 90 % des brevets n’ont pas le moindre intérêt lucratif. Chaque année, 30 000 nouveaux produits arrivent sur le marché et 95 % d’entre eux sont des échecs. Les innovations qui réussissent sont en général issues d’un processus itératif d’essais et d’erreurs où des myriades de mauvaises idées finissent par en générer une bonne qui arrive à triompher. Même l’évolution suit ce modèle : la grande majorité des mutations n’offrent aucun avantage, voire sont proprement délétères. Face à des idées nouvelles, le scepticisme est, de fait, une stratégie parfaitement justifiée.

La nécessité du scepticisme face au changement est d’autant plus grande lorsque l’innovation est sociale ou politique. Pendant des générations, bien des progressistes ont soutenu le marxisme et étaient persuadés que son triomphe était inévitable. Que les générations futures allaient nous traiter d’idiots pour y avoir résisté – comme Thoreau et le télégraphe. Sauf que le marxisme aura été, en fin de compte, une idée réellement mauvaise et y résister, une idée tout à fait excellente. Ce qui peut s’appliquer à quasiment toutes les idées utopiques dans l’histoire de la pensée sociale. Les humains ont toutes les peines du monde à savoir précisément où tendra l’arc historique.

Naïveté
Les techno-optimistes préféreraient sans doute ignorer les produits et les idéologies ratés, et se focaliser à l’inverse sur les innovations ayant fait leurs preuves. Après tout, c’est bien de l’iPhone dont il est question. Est-ce qu’une adoption massive d’une innovation est une raison suffisante pour suspendre son scepticisme ? Non – parce que nous sommes par ailleurs assez mauvais pour prédire l’impact de nos idées les plus heureuses. Mettre du plomb dans l’essence allait augmenter l’efficience du transport automobile, mais aussi causer de graves troubles mentaux et peut-être même être à l’origine d’un pic de criminalité au XXe siècle. Le fréon des réfrigérateurs allait trouer la couche d’ozone avant d’être interdit par la communauté internationale. Les énergies fossiles sont sans doute l’une des innovations les plus triomphales de l’histoire, sauf qu’elles font aujourd’hui l’objet d’une sérieuse réévaluation – pour parler poliment.

Internet est une autre de ces innovations triomphantes aujourd’hui réévaluées. Les optimistes nous avaient promis l’émancipation : la connaissance allait se démocratiser et la civilité devait prospérer. Nous comprenons désormais qu’Internet peut aussi être un système de contrôle redoutablement efficace. Parce que la marchandisation de nos informations personnelles s’est révélée très lucrative, le moindre recoin de notre vie quotidienne en vient à être transformé en donnée collectable, ce qui aura transformé notre économie en écosystème de surveillance. Nos comportements sont dès lors « visibles » aux États, qui peuvent ensuite nous punir – comme le fait la Chine avec son dystopique « crédit social ». Et si tout cela s’avérait une terrible erreur ? Comment le savoir, nous n’avions encore jamais eu à résoudre un tel problème auparavant. Que nous ayons résolu le problème du télégraphe n’a aucune importance. Sans doute qu’on pourrait en faire un podcast – on l’appellerait l’Optimists Archive et on y mettrait toutes les prédictions ridiculement naïves faites sur les « merveilles » de la technologie qui se sont révélées cauchemardesques.

Nous sommes aujourd’hui au beau milieu d’une gigantesque expérience sociale. Pendant 99 % de leur histoire sédentaire, les humains ont vécu dans des sociétés où la vie d’une génération était globalement identique à celle de la précédente. La stagnation, et non le changement, était la règle. Aujourd’hui, pour la première fois, nous vivons différemment et le fossé entre les générations ne cesse de s’élargir à mesure que le rythme du changement ne cesse de s’accélérer. Est-ce possible de continuer indéfiniment ? Comment le savoir ? Nous n’avons aucun précédent historique. Aucun point de repère rendant des analogies possibles – aucune qui ne reviendrait peu ou prou à comparer la voiture autonome avec le biface.

Au lieu de faire des analogies vides de sens, la seule manière de survivre au changement est un débat vigoureux sur les mérites des idées nouvelles – précisément le genre de débat que les techno-optimistes veulent éviter avec leur recours fallacieux à l’histoire. Nous pourrions nous demander : qu’est-ce que cette nouveauté fait pour nous ? Est-ce nous la comprenons suffisamment bien pour répondre à cette question ? Dans le cas contraire, sur quelle base notre confiance repose-t-elle  ? Un débat sur le fond des innovations est crucial si l’on veut trier les bonnes idées des mauvaises. Et, pour cela, vous avez besoin des gens que les techno-optimistes détestent : les conservateurs.

Contrôle-qualité
Les libéraux et les conservateurs ne se contentent pas de voter pour des partis différents – ils sont des gens différents. Leurs différences psychologiques sont géographiquement et culturellement stables. Par exemple, les libéraux ont des scores élevés en « ouverture à l’expérience » et recherchent la nouveauté. Les conservateurs préfèrent l’ordre et la prédictibilité. Leur attachement au statu quo entrave la réorganisation de la société autour des nouvelles technologies. Parallèlement, si les technologues de la Silicon Valley peuvent se méfier des réglementations gouvernementales, ils comptent cependant parmi les individus les plus libéraux au monde. Tous les libéraux ne sont pas techno-optimistes, mais quasiment tous les techno-optimistes sont libéraux

Permettre à ces deux profils psychologiques de débattre des mérites du changement est une garantie de le voir profiter à la société au lieu de la ruiner. Les conservateurs agissent comme un contrôleur qualité sur les idées des progressistes : ils laissent passer les bonnes (comme la démocratie) et écartent les mauvaises (comme le marxisme). Les conservateurs ont souvent eu tort de s’opposer aux bonnes idées, mais, lorsqu’il est nécessaire d’en convaincre une masse critique, cela assure que les changements les mieux étayés soient les seuls à être mis en œuvre. Étrangement, lorsque le changement en question est plutôt d’ordre technologique que social, un tel processus est stérilisé. Il n’y a plus que de « l’inévitabilisme » – on nous dit qu’il ne sert à rien de s’opposer au changement technologique, qui se produira que nous le voulions ou non, comme si nous étions captifs de l’histoire et non pas ceux qui la façonnent.

L’attitude est d’autant plus bizarre qu’elle n’a pas toujours été vraie. Lorsque l’Armageddon nucléaire était envisageable, nous avons tout fait pour limiter au mieux nos arsenaux. Il est possible que l’IA ou la robotisation provoque un Armageddon social. Personne ne peut vraiment le savoir, mais si les pessimistes ont raison, aurons-nous seulement la possibilité de faire marche arrière  ? Le commandement des optimistes – leur injonction à « mettre les choses en perspective » et à « faire confiance à notre histoire » – semble l’emporter.

Qu’est-ce qu’une vie bonne  ?
Face au changement, les critiques conservateurs ont souvent été ridicules – tout comme les optimistes. Ce qui, en fin de compte, n’est pas très intéressant, car les humains ne peuvent pas prédire l’avenir. Plus intéressantes sont les époques où les prédictions des critiques se sont avérées vraies. Les luddites étaient des artisans chevronnés qui craignaient que la technologie industrielle ne détruise leur mode de vie et ne supplante leurs professions statutairement élevées par une succession de corvées d’usine accessibles à tous. Ils avaient raison. Les pharisiens du XXe siècle avaient peur que la voiture ne facilite la débauche et les aventures extraconjugales. Ils avaient raison. Mais, s’ils se sont trompés, ce n’est pas dans leurs prédictions, mais parce qu’ils croyaient que de tels effets n’étaient pas compatibles avec une bonne société. Ce qui exige, encore, de débattre du fond – de ce que signifie une vie bonne.

Nous nous réveillerons peut-être un matin en découvrant que nos innovations les plus triomphales ne sont en réalité pas compatibles avec une vie bonne. Sauf qu’il sera peut-être trop tard. Nous ne sommes plus des capitaines qui s’assurent que leur navire arrive à bon port, nous sommes les passagers de voitures autonomes filant sur l’autoroute d’un arc historique. Vers où tend-il ? Nul ne le sait. »



Le risque est d’autant plus grand de s’enfoncer aveuglément dans la confusion entre conditions passées et présentes (a fortiori futures), que les hommes usent et abusent, comme d’une drogue dont ils sont désormais dépendants, de leurs facultés intellectuelles plus ou moins développées. Sous l’emprise croissante de la dictature de leurs sentiments, ils prêtent de moins en moins attention à la réalité. Ils préfèrent aux faits et aux chiffres – y compris quand ils sont scientifiquement établis –, les dogmes de leurs de croyances religieuses et les certitudes laïques des doctrines politiques et sociales qui en tiennent lieu pour les laïcs.

Tellement plus confortable de se laisser porter par la vague d'une pensée dominante ! Mais notre civilisation – peut-être même l'espèce humaine – est en train d'en mourir, dans le saccage de ce qu'il reste de la planète qui l'a abritée et nourrie jusqu'à ce jour.