vendredi 29 novembre 2019

Le marxisme se porte bien, merci

Article révisé le 27/02/2024

Au moment où, comme un hommage au marxisme, la France est sous les feux de la rampe médiatique, avec le classement mondial de ses écoles d'économie ; les pavés et proclamations de l'oracle Piketty ; le Nobel décerné à Esther Duflo ; l'élévation du non moins nobelisé Joseph Stiglitz à la dignité de docteur honoris causa de l'ENS de Lyon, etc. l'humanité compte. 1 à 2 milliards de pauvres profonds, soit 4 à 8 fois sa population 2 millénaires plus tôt, toutes conditions confondues ; à une époque généralement considérée comme le début de son entreprise civilisatrice à l'échelle planétaire. Ceci quel que soit le nombre de ceux qui ont le bonheur d'échapper à la pauvreté “ordinaire” ; sachant que dans sa relativité, 86% des êtres humains – "les pauvres de tous niveaux" – se partagent aussi mathématiquement qu'incontournablement 50% d'une richesse commune accumulée au cours des siècles et profitant par définition à tous, l'autre moitié allant au 14% restant : "les riches".



Nous sommes loin du fameux 1% censé s'approprier 80% de cette richesse, dans un délire de frustration se nourrissant d'un amalgame à la Prévert, entre PNB, PIB, patrimoines individuels et commun, capital, investissement, revenu, salaire, rente, rémunération du travail et du capital, satisfaction de besoins vitaux et superflus, etc.

Après les innombrables jacqueries et révolutions qu'a connu l'humanité au cours des millénaires, l’extrême misère d’un prolétariat occidental cristallisé de fraîche par une industrialisation naissante et celle au moins équivalente de millions de serfs vivant un autre temps aux confins de l’Europe ont suscité ce marxisme qui inspirera à son tour, par réaction ou surenchères, ces autres fléaux qu'ont été notamment le fascisme du Caudillo, celui du Duce et le nazisme, le maoïsme, etc. autant de doctrines qui perdurent et prospèrent sous diverses formes en de nombreux endroits de la planète en ne faisant qu'aggraver la condition humaine.

Or, si la misère la plus profonde et la révolte qu’elle peut susciter peuvent avoir légitimé son avènement, il n’en demeure pas moins que le marxisme, de même que ses résultats, sont au plus haut point contestables, par absence d’éthique, incitation à la haine, abus idéologiques, corporatisme, et développement d'un obscurantisme laïc n'ayant rien à envier au religieux. C'est pourtant ce marxisme, sous couvert de compassion, qui constitue la référence de la plupart des économistes et autres experts en sciences dites humaines, de droite comme de gauche.

Mais c'est surtout l'ignorance des dimensions démographique et environnementale inhérentes à tout processus économique et social qui caractérise nos maîtres à penser de toutes tendances, nobélisés ou non ; probablement par respect du tabou dont sont frappées toutes questions de population et a fortiori de surpopulation. C'est leur compassion, dévoyée par leurs idéologies, qui leur fait méconnaître que tous les maux de notre société n’ont pas d’autre histoire que celle de la relation économie-démographie, et que c'est ainsi qu'ils s'interdisent et interdisent à ce dont ils prétendent non sans abus faire une science :
l'éradication de la pauvreté profonde
la maîtrise des inégalités sociales
— la réconciliation de l'humanité avec son environnement.

Sauf à contester les fondamentaux ci-après :
- L'économie résulte des besoins, vitaux et autres, des hommes et non le contraire.
- Richesse et pauvreté en tout, existent l’une par l’autre et sont relatives, comme elles l'ont toujours été.
- Où que ce soit et sous tous les régimes politiques, un pauvre ne peut enfanter que des pauvres, comme un riche ne peut donner naissance qu’à des riches ; quels que soient les aléas heureux ou malheureux de l’existence de chacun par la suite.
- L’enrichissement, individuel comme collectif, n’a pas d'autres limites que celles de l’ambition de ceux qui le convoitent et les ressources dont ils le tirent.
- C'est cet enrichissement, qu'il soit obtenu dans le libéralisme ou le collectivisme – qui a toujours et partout permis de financer le progrès scientifique et technique, pour toujours plus de développement économique et d'amélioration de la condition humaine.

Telle est fondamentalement cette condition, énoncée en autant de vérités qu'il s'agit d'en maîtriser, par la raison plutôt qu'en exacerbant un stérile antagonisme entre des catégories sociales indissociables, riches et pauvres existant les uns par les autres.

Les hasards de sa naissance insèrent chacun dans la pyramide sociale selon ses antécédents génétiques, sociaux et culturels ; situation que la lutte des classes n’a jamais ni nulle part changé d’un iota, avec ou sans suppression de l’héritage ; mesure qui ne conduirait au demeurant qu’à accroître la richesse collective autrement que par les voies habituelles que sont la confiscation pure et simple ou l’impôt, sans modifier le caractère pyramidal de la société, lequel refuse toute forme d'égalitarisme comme d’égalité.

N'est-il pas par contre remarquable que Marx, pas davantage que les experts en sciences humaines de droite comme de gauche, du centre comme des extrêmes, ait jamais dénoncé le fait que si l’enrichissement individuel comme collectif n’ont aucune limites autres que le nombre et l’ambition de ceux qui les convoitent et les ressources dont ils les tirent, LA PAUVRETÉ A LA SIENNE, QUI EST LE NIVEAU ZÉRO DE LA RICHESSE ?

C’est cette situation qu’il faut vaincre ; non par des combats primitifs qui en l’ignorant ne font que l’aggraver depuis toujours, mais en inventant – sans a priori idéologique de quelque tendance que ce soit – les moyens d'isoler la pauvreté de ce niveau zéro de la richesse.


mardi 5 novembre 2019

Observations d'un profane à Thomas Piketty, Philippe Aghion & consort, suite à la réponse de P. Aghion à T. Piketty récemment publiée dans l'Obs : La 3ᵉ voie

Les inégalités sociales n’ont pas d’autre histoire que celle de la relation économie-démographie. Et si nous ignorons cela, nous nous interdisons :
de les maîtriser
d'éradiquer la pauvreté profonde
ne nous réconcilier avec notre environnement.



Richesse et pauvreté en tout, existent l’une par l’autre et sont relatives, comme elles l'ont toujours été. Par ailleurs, où que ce soit et sous tous les régimes politiques, un pauvre ne peut enfanter que des pauvres, comme un riche ne peut donner naissance qu’à des riches ; quels que soient les aléas heureux ou malheureux de l’existence de chacun par la suite, tels que les déterminent ses talents, ses ambitions, sa volonté, ses efforts, sa chance ... et les circonstances.

Les hasards de sa naissance insèrent chacun dans la pyramide sociale selon ses antécédents génétiques, sociaux et culturels, situation que la lutte des classes n’a jamais ni nulle part changé d’un iota, avec ou sans suppression de l’héritage. Une telle mesure ne conduisant d'ailleurs qu’à accroître la richesse collective autrement que par les voies habituelles que sont la confiscation pure et simple ou l’impôt, sans modifier le caractère incontournablement pyramidal de la richesse comme de la société, qui refusent toute forme d’égalité.


N'est-il pas par contre remarquable que nul expert en sciences humaines ait jamais dénoncé le fait que si l’enrichissement individuel comme collectif n’ont aucune limites autres que celles de l’ambition de ceux qui le convoitent et les ressources dont ils le tirent, LA PAUVRETÉ A LA SIENNE, QUI EST LE NIVEAU ZÉRO DE LA RICHESSE ?


C’est cette condition fondamentale qu’il faut vaincre ; non par des combats primitifs qui en l’ignorant ne font que l’aggraver depuis toujours, mais en “isolant” la pauvreté profonde de ce niveau zéro de la richesse. L’instauration d’un revenu universel minimum et inconditionnel, annulant l’effet d’inégalités sociales qui ne peuvent et n’ont fait qu’augmenter depuis la nuit des temps en suivant systématiquement l’évolution constante du binôme démographie-économie (avec toutes conséquences sur la croissance et partant sur l’environnement) pourrait par contre être LA solution, alors qu'au contraire, la lutte des classes ne fait que ramener l’être humain à la situation de l’insecte qui se heurte obstinément à la vitre dont il est prisonnier sans la voir, pour finir par ne plus concevoir que le renversement illusoire de la pyramide sociale pour mettre fin à des inégalités sociales fondamentalement attachées à la condition humaine. Faute d'arguments crédibles ; leurs espérances dans la lutte des classes déçues ; l'atteinte de cet idéal d’égalité qui reposerait sur la disparition des riches leur apparaît comme l'ultime issue. Fantasme des partisans d’un égalitarisme exigeant la mort des nantis, la base de la pyramide sociale écraserait ainsi la société sous son poids, jusqu’à obtenir un nivellement généralisé, évacuant les riches dans le triomphe des pauvres. Que les uns n’existent que par les autres et que ce triomphe, allant à contre-courant du progrès, risque être celui de la pauvreté davantage que des pauvres, conduisant à la misère pour tous avant de sombrer dans l’inexistence sociale et la barbarie d’une fin de civilisation qui ne s’annonce pas sous les meilleurs augures, n’est qu’un détail qu’il suffirait de régler le moment venu.

Quoi qu’il en soit, la pyramide inversée a ceci de remarquable qu’elle n’est plus une pyramide et tient davantage de l’entonnoir que de ce polyèdre universellement reconnu comme représentatif de toute organisation hiérarchisée et faite d’interdépendance entre ses occupants. L’inversion de la pyramide sociale n'est rien d'autre que sa déformation, par l’illusion d’une idéologie sommaire prétendant hisser à un sommet qui n’en est plus un, la masse des individus en constituant la base ; négation extrême de ces individus en tant que tels, au profit d’un pouvoir fondé sur l'obscur anonymat du nombre. C’est aussi oublier un peu facilement que si tous nous profitons – aussi inégalement que ce soit – des millénaires de progrès scientifique et technique, ce dernier résulte des impulsions d’une élite, ce qui en fait précisément l’élite, pour le meilleur et pour le pire. Qu’une large partie de cette élite, soumise à ses émotions telles que les suscite une compassion dévoyée ou plus simplement ses propres intérêts, puisse usurper sa position ou en abuser, et que certains de ses représentants opèrent dans l’imposture et l’incompétence, est une toute autre affaire. La pyramide sociale inversée ne fait qu’exprimer une volonté de soumission de la raison à la force, de l’intelligence à l’instinct, de la civilisation à la barbarie, sachant au demeurant que les révolutionnaires les plus radicaux et les pires anarchistes, sont eux-mêmes structurés pyramidalement, avec leurs chefs, voire leurs riches (instigateurs, fomentateurs et meneurs en tous genres) – le premier d’entre eux siégeant au sommet –, puis leurs cadres et leurs exécutants aux niveaux intermédiaires, que les uns et les autres participent ou non à la réflexion comme à l’action.

Le renversement de la pyramide est un geste dicté par l’angoisse existentielle et la conception morbide d’un désespoir social tournant le dos à la réalité plutôt que de l’affronter. Hors du temps et de la raison, il préfigure cette désincarnation à laquelle nous aboutissons tous ; ce néant où la politique pas davantage que l’économie, la sociologie ou la démographie, l’ordre que l’anarchie ou que la pire des idéologies, n’ont plus leur place. Que les chemins du progrès et de son partage soient, ici et maintenant, semés d’embûches et que les pouvoirs, notamment religieux, politique, intellectuel, médiatiques, ... plus soucieux du nombre que du bien-être de ceux sur lesquels ils se fondent et prospèrent en soient comptables, rien ne paraît plus vrai ni plus légitime, mais n’est-il pas d’attitude plus sensée que celle qui consiste à vouloir mettre fin, à n’importe quel prix, à une évolution conduisant, en dépit de ses lenteurs et de ses ratées, au mieux être souhaité par le plus grand nombre ?

La pyramide sociale ayant au moins le mérite d’être une représentation réaliste et suffisamment compréhensible, y compris par ceux qui la contestent, l’impossibilité absolue de la détruire peut les conduire à envisager son utopique retournement. Mais à quoi d’autre celui-ci pourrait-il conduire, qu’à en édifier une autre ? Les exemples de l’aboutissement d’une telle utopie sont aussi nombreux que les tentatives avortées d’instauration du pouvoir absolu de la base (dictature du prolétariat) ; depuis les innombrables jacqueries qu’a connu de tous temps le monde jusqu'à la révolution bolchevique et à l’effondrement du bloc soviétique ; du fiasco de Cuba à l’évolution du communisme en Chine, en passant par bien d’autres pays, sans oublier le point d’orgue en la matière que fut le Cambodge de Pol-Pot et de ses Khmers rouges. Il faut se souvenir que 12 ans après cette tentative de renversement de la pyramide sociale que fut sa Révolution qu’elle voulait universelle, la France avait un empereur, puis a connu d’autres monarchies et de nouvelles républiques, dont l’actuelle, qui ne satisfait pas davantage le citoyen que les précédentes ; en attendant la suivante. Démonstration s’il en est que la révolte n’apporte de changement que là où se joue une partie de chaises musicales, un pouvoir remplaçant l’autre. Mouvante mais impérissable, la structure de la société demeure la même et la masse qu’elle organise et qui croît sans cesse en nombre et en richesse, avec l’aide de sciences et de techniques seules réellement porteuses de nos avancées sociales, ne fait que changer de maîtres ou s’en donne l’illusion. Une révolution chasse l’autre et aucune n’a jamais rien durablement changé à l’ordre fondamental des choses, pas plus qu'à la nature humaine. D’ailleurs, qui peut sérieusement imaginer qu’au lendemain de l’aboutissement de la lutte finale, le grand partage ayant eu lieu, la terre ne serait pas peuplée de ceux qui sauraient faire fructifier leur part et de ceux pour qui elle serait toujours inutile ou insuffisante ? Dénués des talents indispensables, ils ne feraient que continuer d'en éprouver la frustration soigneusement entretenue par ceux dont ils ont de tous temps constitué la clientèle, sauf bien entendu collectivisme dictatorial, avec lui aussi un sommet dominant sa base, encore plus insupportable à l’homme que les pires inégalités.



La pyramide sociale inversée n’est pas davantage une pyramide que la représentation d’une société, ni même d’un projet de société. Elle est tout au plus une utopie, sortie d’esprits s’imaginant qu’il suffit de modifier la représentation d’un état de fait pour le modifier, à la manière de ceux qui suppriment leurs opposants, brûlent les écrits de ceux qui les contredisent ou mettent simplement en cause leurs certitudes ; ou encore s’imaginent éradiquer ce qu’ils considèrent comme des maux en soustrayant des dictionnaires et des constitutions les mots qui les désignent. C’est la frustration qui conduit la majorité des êtres humains à nier sa condition et à négliger que richesse et pauvreté, toujours relatives et existant l’une par l’autre, structurent la société. Après les hasards de la naissance de chacun, ses capacités faites de courage, de talent, d’ambition, de chance, de désir d’innover et d’entreprendre, de goût du risque, etc. sont des différences que le nombre suffit à rendre d'autant plus difficiles à comprendre ; à compenser intelligemment et durablement, que règnent d'archaïques utopies ayant pourtant largement fait la preuve de leur impuissance.