dimanche 12 août 2018

Décroissance et démographie


Nombreux sont les partisans de la décroissance qui négligent ou sous-estiment les obstacles qui la rendent impraticable, sauf remise en cause allant bien au-delà de ses aspects industriels et marchands, comme des options socio-politiques et environnementales des uns et des autres. D’autant plus difficiles à lever qu’ils s’enracinent profondément dans la nature humaine, les principaux de ces obstacles, peuvent s’analyser comme suit, sachant que :« Tout être humain est avant toute autre activité ou toute autre opinion un consommateur » (Gaston Bouthoul in Traité de sociologie, tome II, p. 180 - Payot 1968).

Tirant parti de l’incontestable supériorité de ses facultés, par rapport à celles des représentants des autres espèces peuplant la planète, et selon une éthique taillée à la mesure de ses prétentions, l’homme a largement transgressé les lois de la sélection naturelle en usant et abusant du progrès scientifique et technique dont il est porteur. Mais c’était sans compter avec le piège qu’il se tendait ainsi à lui-même : en s’accordant le droit de proliférer sans limites en même temps que s’accroissait sa durée de vie, il amplifiait ses besoins au-delà de ce que pouvaient satisfaire ses ressources. Et comme si cela était insuffisant, l’homme s’invente des besoins accessoires, souvent d’une utilité discutable mais toujours plus nombreux, accentuant d’autant sa prédation.

En outre, incité à améliorer sa condition matérielle par sonataviqueégocentrisme,chaque individusaitla comparer à celle de ses semblables, ce qui conduit à une surenchère générale et permanente de la demande ; la référence de chacun étant généralement le sort de mieux nanti plutôt que de plus pauvre que soi.

Comment, dans ces conditions, faire admettre aux consommateurs, à commencer par ceux qui doivent se satisfaire du nécessaire et parfois moins, et dont le sentiment de frustration a été entretenu, voire exacerbé, pendant des siècles, qu’ils doivent renoncer ne serait-ce qu’à une partie de leurs “avantages acquis”, et perdre l’espoir d’accéder un jour à de meilleures conditions d’existence jusque-là réservées à d’autres ?

Quant aux riches, – une fois classé l’argument consistant à leur imputer tous les maux de l’espèce humaines par la pollution et le pillage de la planète au détriment des pauvres, ce qui revient à occulter le fait que les activités humaines polluantes et surconsommatrices de ressources résultent de la production par les pays en mesure de le faire, de ce qui est consommé par l’ensemble des êtres humains, y compris les pauvres qui sans cela seraient encore plus démunies qu’ils le sont – ils seront contraints par la force de la nature, comme tout un chacun, d’adapter leur demande à ce qui restera des ressources propres à les satisfaire. Ces riches semblent d’ailleurs l’avoir d’ores et déjà compris, à en juger par le financement, public comme privé, de démarches ayant pour but de limiter la prolifération humaine, ainsi que par les investissements dans la recherche de nouvelles technologies et sources d’approvisionnement. « Tandis que nous voyons les supermarchés sans caissiers, les véhicules autonomes et les robots faire le travail pour nous – les super-riches voient des moyens de protection contre les foules en colère et les pannes systémiques dans un avenir pas trop lointain. En effet, [probablement parce qu’ils y trouvent un intérêt supérieur] les riches et les puissants ont une vision beaucoup plus large du risque global, que la plupart de la société humaine.»*

Siune telle situationest l’expression du caractère incontournablement pyramidalde la sociétéhumaine, elle est aussi dedimension planétaire,rappelant que lesort de chacundépend de celui de tous.Dans cet esprit, une décroissance par lasuppression desbiens et services satisfaisantlesbesoins non vitaux de l’espèce humaineest un objectif apparemment logique. Mais est-il pertinent, en l’absence d’autres mesures, dont notamment une réduction et un ajustementproportionnelsdu nombre de consommateurs de toutes catégories sociales, auxpossibilités d’en assurer autant la gouvernance que la subsistance ?Sur une population d’environ 8 milliards d’êtres humains, 6,5 – dont 1,5 à 2 milliards de pauvres profonds – accèdent peuou pas du tout à des produits et services d’une utilité discutable. Nombre d’entre eux souhaitent y accéder, mais quelles que soient les difficultés de les amenerà modérercetteaspiration, dont la légitimité le dispute à l’intérêt commun – tel qu’il doit en être pour les plus riches , à quelle logique répondrait une réduction de la consommation par tête, aussi drastique soit-elle, si le nombre total de consommateurs continuait d’augmenter, demême que leurdurée de vie ? Ne s’agit-il pas d’un équilibre impossible entreéconomie etdémographie ?Cette relationest pourtant omisepar lesinconditionnels de la décroissance, fidèles auxpouvoirs, notamment religieux et politiques, plus soucieux du nombre que de la dignité des conditions d’existence de ceuxquilsont toujours prétendu protéger. « Dire que personne ne peut se désintéresser de l’avenir de son pays ne signifie pas que toute famille ait le devoir de procréer. Cela veut dire que l’évolution de la population mérite considération. Par évolution nous n’entendons pas nécessairement accroissement a priori ni même maintien, mais seulement que la question existe, et que les gouvernements et les personnes soucieuses d’intérêt public ne peuvent s’en désintéresser » Alfred Sauvy in Planning familial, septembre 1960, cité par Virginie Barrusse in Population 2018/1 Le complexe de la dénatalité. L’argument démographique dans le débat sur la prévention des naissances en France (1956-1967)”.**

Qu’il soit voulu ou subi, qu’il résulte d’une volonté tardive des hommes de réduire leur prédation ou qu’il soit imposé par la raréfaction des ressources, le ralentissement de l’activité économique aura des répercussions considérables sur la société, en aggravant une situation de l’emploi plus difficile qu’elle a jamais été et un déséquilibre social d’autant plus précaire qu’il est dorénavant planétaire, en dépit des barrières, barbelés et murs dressant chaque jour plus nombreux leur dérisoire rempart contre la montée inexorable de ceux que leur misère pousse vers ce qu’ils croient être un monde meilleur. En l’absence d’une parfaite conscience de cette situation et de ses conséquences prévisibles, et faute de mesures préalables et d’accompagnement propres à réduire puis à stabiliser le nombre de consommateurs, la décroissance ne peut donc que perpétuer et amplifier un antagonisme primaire relevant d’une lutte des classes aussi archaïque que vaine ainsi qu’aux pires désordres dont les premières victimes seraient les plus défavorisés. N’est-il pas
préférable que des êtres humains moins nombreux, s’inventent et ajoutent à une frugalité imposée à tous par l’épuisement de bien des ressources vitales, de nouveaux moyens de continuer à satisfaire leur premier besoin qu’est le progrès ? Sans sous-estimer l’importance de tout geste allant dans le sens d’une réduction de sa prédation, l’homme a encore, pour peu de temps, la possibilité d’accélérées la mise en œuvre de mesures salutaires – largement engagées pour certaines – portant sur sa démographie et tout ce qui en découle en termes d’économie, donc de consommation et de ressources, mais aussi – et peut-être surtout – socialement.

La prise de conscience des maux engendrés par la surpopulation humaine est encore loin d’être générale, entravée par des tabous et des dogmes que des pouvoirs empêtrés dans leurs contradictionstardentà lever. Ils doivent pourtant comprendre que si le nombre de ses victimes qualifie la faute, chaque jour alourdit la leur, quandle fragile équilibre entre l’humanité et son habitat est sur le point de se rompre. Dans la relativité de lapauvreté et de la richesse de chacun, sur 100 êtreshumains qui naissent – et il en naît entre 230 et 280 000 supplémentaires quotidiennement, soit près de 100 millions chaque année – 14vont grossir les rangs des riches quand86rejoignent ceux des pauvres.



Pour toutes précisions concernant la méthodologie conduisant au constat ainsi représenté, voir https://docs.google.com/document/d/1WCRZX7-OdrML4HmbN6lE2Oz_-L_Xa4GAJ5dVuSX2xCI/edit





mardi 17 juillet 2018

Nous serons 8,6 milliards de Terriens en 2030 (source ONU)

Commission de la population et du développement: le monde comptera en 2030, date butoir du Programme de développement durable, 8,6 milliards de personnes

Le temps de réaliser avec succès ou pas les 17 objectifs du Programme de développement durable à l’horizon 2030, le monde se sera alourdi d’un milliard de personnes.  C’est ce qu’a appris aujourd’hui la Commission de la population et du développement d’un rapport* du Secrétaire général sur les tendances démographiques mondiales.  La Commission a aussi entendu plusieurs agences de l’ONU et des ONG deviser sur le thème de la session « Villes durables, mobilité humaine et migrations internationales ». 
La population mondiale, qui a atteint les 7,6 milliards de personnes en 2017, devrait avoisiner les 8,6 milliards en 2030, l’essentiel de la croissance étant imputable à l’Afrique et à l’Asie, avec 400 millions de personnes chacune.  La pyramide des âges devrait aussi connaître des changements rapides, avec des conséquences importantes pour le développement durable.
Le nombre des « mégalopoles » ou villes de plus de 10 millions d’habitants, qui est aujourd’hui de 33, devrait passer à 41 en 2030, toutes les nouvelles mégalopoles étant projetées dans les régions les moins développées.  Pôles d’attraction, ces mégapoles se partagent les migrants internationaux ou personnes vivant dans un pays autre que leur pays de naissance dont le nombre a continué de croître ces dernières années, pour atteindre le record mondial de 258 millions en 2017.  Migrants internes et internationaux se chiffrent aujourd’hui à un milliard.
« Villes durables, mobilité humaine et migrations internationales », le thème de la Commission s’explique.  En Jamaïque, par exemple, sur une population totale estimée à 2,7 millions de personnes, une moyenne de 20 000 part chaque année depuis les années 50, ce qui fait qu’environ 50% des Jamaïcains vivent à l’étranger.  L’Azerbaïdjan connaît en ce moment une immigration intense qui s’explique par la stabilité sociale, politique et macroéconomique, l’afflux de capitaux étrangers, la rapidité du développement économique et la réalisation de projets de grande envergure dans le domaine de l’extraction et du transport du pétrole et du gaz.  Au total, la région Asie-Pacifique abrite 63 millions de migrants.  Une migration, a alerté l’ONG « ARROW », qui a souvent le visage d’une jeune femme, occupant un emploi peu qualifié, vulnérable à la discrimination, à la violence et à l’exploitation, sans protection sociale ni accès à la santé sexuelle et reproductive, alors même que les droits à cette santé sont essentiels à la durabilité des villes, a prévenu « Family Planning New Zealand ». 
L’ONG a donné l’exemple de Kiribati où 27% des femmes mariées en âge de procréer ne veulent pas d’enfants sans pour autant utiliser un moyen contraceptif.  Beaucoup d’entre elles vivent dans une capitale déjà surpeuplée qui continue d’attirer la majorité des migrants internes, présentant en conséquence, tous les problèmes écologiques, sanitaires et économiques que l’on peut craindre.  La population de Tawara-Sud pourrait ainsi augmenter de 70% d’ici à 2050, ce qui est intenable, compte tenu des changements climatiques. 
Améliorer les recensements et les sondages des ménages est « crucial » pour élaborer des politiques factuelles sur des villes durables, la mobilité humaine et les migrations internationales, a estimé l’Allemagne qui s’est félicitée avec d’autres du travail remarquable de la Division de la population du Département des affaires économiques et sociales de l’ONU.  La collecte de données n’est pas une fin en soi mais des données exactes, en temps voulu et exhaustives sont utiles pour la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030, a insisté l’Allemagne. 
Pour bien comprendre les phénomènes démographiques et leur impact, il faut des « données harmonisées et comparables entre pays », a souligné la Norvège qui a appuyé l’ajout de la variable « motifs » dans le « Manuel des Nations Unies sur l’évaluation des migrations internationales dans le cadre des recensements du cycle 2020 ».  Les « motifs », a-t-elle insisté, sont une question clef qui doit être incorporée dans un questionnaire de recensement pour identifier le nombre des réfugiés et les populations qui s’y apparentent.
La Commission, qui a débuté ses travaux lundi dernier, tiendra demain vendredi 13 avril après-midi, à partir de 15 heures, la dernière séance de sa session 2018. 
EXÉCUTION DU PROGRAMME ET FUTUR PROGRAMME DE TRAVAIL DU SECRÉTARIAT DANS LE DOMAINE DE LA POPULATION
Pour l’examen de cette question, la Commission était saisie du Rapport du Secrétaire général (E/CN.9/2018/6) qui dresse le bilan des activités menées en 2017, dans le domaine de la population, par la Division de la population du Département des affaires économiques et sociales.  Il porte notamment sur: les travaux d’analyse des tendances mondiales de la fécondité, de la mortalité et des migrations; l’élaboration des estimations et projections démographiques à l’échelle mondiale; le suivi des politiques démographiques; l’étude des corrélations entre la population et le développement durable; la diffusion de données démographiques; la coopération technique et les activités de renforcement des capacités en faveur des États Membres; l’appui aux mécanismes intergouvernementaux par l’établissement de rapports du Secrétaire général et d’autres documents à l’intention des organes délibérants, l’organisation de réunions de groupes d’experts et le suivi des objectifs de développement arrêtés au niveau international.
L’objectif du programme de travail sur la population est d’améliorer l’aptitude de la communauté internationale à faire face efficacement aux enjeux de population actuels et futurs et à prendre en compte la dimension démographique dans les programmes de développement aux niveaux national et international.  La Commission de la population et du développement, en tant qu’organe directeur de la Division de la population, formule des lignes directrices sur le programme de travail lors de sa session annuelle.
Déclarations
M. JUAN CARLOS ALFONSO FRAGA (Cuba) a souligné que le suivi des accords internationaux, notamment les cibles et objectifs du développement durable, est d’une importance toute particulière.  Il a reconnu que les projections démographiques élaborées par la Division de la population sont importantes, mais a toutefois souligné que l’évaluation des objectifs de développement durable doit d’abord se fonder sur les statistiques nationales, notamment en ce qui concerne les données ventilées par sexe.
Mme REIKO HAYASHI (Japon) a voulu en savoir plus sur la réforme envisagée de la Division de la population.
Des données fiables, harmonisées et comparables entre pays, a souligné Mme SILJE VATNE PETTERSEN (Norvège), sont essentielles pour mieux comprendre les phénomènes et tendances démographiques.  C’est la base même des politiques et analyses fondées sur les faits, tant au niveau national qu’au niveau international.  La représentante a tout de même reconnu que parvenir à des données comparables est extrêmement difficile et a, à cet égard, salué le travail de la Division de la population.  Elle s’est d’ailleurs félicitée de l’accent placé sur des données comparables de haute qualité dans les négociations sur les pactes mondiaux pour les migrations sûres, ordonnées et régulières et pour les réfugiés.  Elle a dit espérer des recommandations de la part du Groupe d’expert de la Commission des statistiques sur les données relatives aux réfugiés et aux déplacés.  Elle a aussi appuyé l’ajout de la variable « motifs » dans le Manuel des Nations Unies sur l’évaluation des migrations internationales dans le cadre des recensements du cycle 2020.  Les « motifs », a-t-elle insisté, sont une question clef qui doit être incorporée dans un questionnaire de recensement pour identifier le nombre des réfugiés et les populations qui s’y apparentent.  La Norvège s’engage à aider les pays du Sud à mettre en œuvre les recommandations du Groupe d’experts dont il fait partie, a conclu la représentante.
Mme MENGJUN TANG (Chine) a salué le travail de la Division de la population dont les produits aident les pays à élaborer leurs politiques sur la population et à faire des projections démographiques et des analyses.  La représentant s’est particulièrement félicitée de l’aide que la Division a offerte à son pays et a souhaité qu’elle continue son travail en recourant plus systématiquement aux nouvelles technologies.
Mme MARTINA HEMMERSBACH (Allemagne) s’est félicitée des initiatives du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) et de la Division de la population pour resserrer leurs liens avec le milieu universitaire, améliorant ainsi l’accessibilité, l’utilisation et la visibilité des données.  Le rôle de la Division, qui est de produire des données mais aussi de les analyser et de les interpréter, en fait un partenaire indispensable de la communauté internationale dont l’expertise est très recherchée.  La collecte de données n’est pas une fin en soi mais des données exactes, en temps voulu et exhaustives sont utiles pour la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030, a insisté la représentante.  Améliorer les recensements et les sondages des ménages est crucial pour élaborer des politiques factuelles sur des villes durables, la mobilité humaine et les migrations internationales.  L’Allemagne vient de booster les progrès méthodologiques de la recherche sur la population et élargit les infrastructures de recherche nécessaires à l’analyse des liens entre migrations internes et internationales, mobilité humaine et urbanisation, dans le contexte national.  L’Allemagne travaillera avec la Division de la population, le FNUAP, les États Membres et les partenaires intéressés pour promouvoir et faire avancer la collecte et l’utilisation des données démographiques et parvenir ainsi à des décisions politiques basées sur des faits. 
Mme SHORT (États-Unis) s’est attardée sur quelques produits de la Division de la population pour s’en féliciter.  Le travail de la Division, a-t-elle insisté, aide la communauté internationale à faire la lumière sur les interconnexions, les défis et les progrès réalisés pour intégrer les questions liées à la population, à la mise en œuvre, au suivi et à l’évaluation des politiques et programmes de développement durable.  L’expansion du site Web de la Division ouvre à l’opinion publique l’accès aux informations sur la population, s’est encore félicitée la représentante.  Elle a remercié la Division pour son rôle de leadership dans la coopération technique, y compris l’organisation et la conduite de réunions d’experts et d’ateliers en collaboration avec de nombreuses organisations dans le monde.  Le Bureau du recensement des États-Unis a d’ailleurs été heureux de participer avec la Division au Groupe de travail sur l’étude de la mortalité maternelle.  La représentant a remercié la Division pour avoir mis sur son site Web le Manuel révisé de l’étude sur la mortalité liée à la grossesse que le Bureau américain du recensement a produite avec le Groupe de travail. 
En réponse à la question du Japon M. JOHN WILMOTH, Directeur de la Division de la population, a expliqué que le Secrétaire général envisage une réforme du Département des affaires économiques et sociales (DAES) pour le rendre plus efficace.  C’est dans ce contexte, que la restructuration de la Division de la population est en cours.  Je suis « obsédé », a avoué le Directeur, par l’efficacité et la faculté de la Division de travailler avec moins de ressources.  Les doublons vont donc être supprimés et les méthodes de travail réexaminées.
Le délégué du Mexique a formulé l’espoir que cette réforme permettra aussi de rendre plus efficaces les travaux de la Commission.
Mesures pour la poursuite de la mise en œuvre du Programme d’action de la Conférence internationale sur la population et le développement aux niveaux mondial, régional et national
Débat général sur le thème « Villes durables, mobilité humaine et migrations internationales »
Mme TONI SHAE FRECKLETON (Jamaïque) a dit que son pays est principalement un pays d’émigration.  Sur une population totale estimée à 2,7 millions de personnes, les données montrent qu’une moyenne de 20 000 Jamaïcains partent chaque année depuis les années 50, ce qui fait qu’environ 50% des Jamaïcains vit à l’étranger.  Pour ceux qui sont dans le pays, 54% d’entre eux vit dans les zones urbaines, une tendance qui devrait s’accroître rapidement.  Pour faire face à ces dynamiques et encourager le développement durable des villes, la Jamaïque a adopté la loi sur la gouvernance locale, amélioré la participation des citoyens à la prise de décisions par la mise en œuvre de cadres locaux de planification du développement durable, élaboré un plan national d’aménagement territorial et réexaminé la stratégie nationale de relocalisation.  Une initiative sur des villes durables et émergentes (ESCI) a été lancée en 2015.  La Jamaïque s’efforce aussi d’améliorer la collecte des données.  Quant aux migrations internationales, l’idée est de bien les mesurer, les surveiller et les intégrer pour qu’elles servent les objectifs de développement national fixés dans la « Vision 2030 Jamaica ».  La représentante a reconnu que c’est le manque de données fiables et ventilées de l’urbanisation et les migrations internes et internationales qui limitent la capacité du pays à planifier efficacement au niveau local. 
M. HABIB MIKAYILLI (Azerbaïdjan) a dit que son pays comptait actuellement 10 millions d’habitants dont 53% vit dans les villes.  Le Gouvernement n’épargne aucun effort pour améliorer les infrastructures urbaines et l’accès de la population aux services sociaux de base.  En 2016, une Agence de construction des logements a été créée au profit des familles à faible revenu.  L’Azerbaïdjan connaît en ce moment une immigration intense qui s’explique par la stabilité sociale, politique et macroéconomique, l’afflux de capitaux étrangers, la rapidité du développement économique et la réalisation de projets internationaux et régionaux de grande envergure dans le domaine de l’extraction et du transport du pétrole et du gaz.  Le Gouvernement a mis en place le cadre nécessaire à l’application des instruments internationaux relatifs aux droits et libertés des travailleurs migrants.  La création d’un « guichet unique » a permis d’assouplir et de rendre plus performante et plus efficace, la gestion des flux migratoires. 
M. NAGESH KUMA, Commission économique et sociale pour l’Asie et le Pacifique – CESAP, a indiqué que la région est confrontée au vieillissement de sa population qui a pris un rythme particulièrement rapide.  La CESAP aide les pays à relever ce défi mais aussi celui des jeunes qui pâtissent des fractures énormes entre zones rurales et urbaines et entre classes sociales.  La région abrite par ailleurs 63 millions de migrants.  La CESAP se prépare déjà à aider les États à mettre en œuvre le futur pacte mondial sur des migrations sûres, ordonnées et régulières.
Mme ELLIOTT, Programme alimentaire mondial – PAM, a indiqué que la politique du PAM sur l’insécurité alimentaire dans les zones urbaines, adoptée en 2002, est en train d’être révisée, ajoutant que l’agence fait face à un niveau sans précédent de besoins humanitaires dans les villes, par exemple, après les séismes qui ont frappé Haïti et le Népal, ou dans le contexte des conflits en Iraq, au Yémen et en République arabe syrienne.  Mme Elliott a estimé que pour contenir les mouvements migratoires des zones rurales aux zones urbaines, il faut aider les communautés rurales à s’adapter aux changements biophysiques et à renforcer leur productivité.  S’agissant des migrations internationales, il a appelé à une collaboration étroite entre les États pour assurer des migrations sûres et ordonnées.  Il s’agit, a-t-elle précisé, d’offrir aux migrants vulnérables une aide alimentaire, sans oublier les besoins nutritionnels spécifiques des enfants en bas âge, des jeunes et des femmes enceintes ou qui allaitent.
Mme CARLA MUCAVI, Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), a déclaré que l’exode rural et les migrations internes et internationales influencent non seulement la répartition de la population mondiale mais aussi celle des moyens de subsistance.  Ils déterminent les choix de développement.  Celui des zones rurales affectées par l’exode dépend en effet d’une bonne répartition des ressources entre elles et les zones urbaines.  La stratégie la plus efficace est d’investir dans les petites villes des zones rurales pour garantir une base élargie de développement économique.  Il faut investir dans les gens, les économies locales et exploiter au mieux l’interconnexion entre zones rurales et zones urbaines. 
Mme MARINE DAVTYAN, ONUSIDA, a souligné que toute personne en mouvement doit pouvoir exercer son droit à la santé, ce qui inclut, a-t-elle ajouté, des efforts pour réduire la vulnérabilité des migrants au VIH/sida et assurer leur accès aux traitements.  Elle a également souligné que toute personne, y compris celles qui vivent avec le VIH/sida, doit pouvoir jouir de sa liberté de mouvement.  Elle a dénoncé les plus de 35 pays qui imposent une forme ou l’autre de restrictions à l’entrée où la résidence des personnes vivant avec le VIH/sida.  Elle a dénoncé les dépistages dans les procédures de demande de visa, les passeports rejetés en cas de résultat positif, et les expulsions de toute personne vivant avec le VIH/sida.  Traitées, ces personnes peuvent, comme toutes les autres, être des éléments productifs de la société.
Mme SAI JYOTHIRMAI RACHERLA, du Centre de recherche et de ressources pour les femmes d’Asie-Pacifique – (ARROW), intervenant également au nom de 114 organisations de la région, a indiqué que « la migration du travail » a le visage d’une jeune femme, dans un emploi peu qualifié, vulnérable à la discrimination, à la violence et à l’exploitation, sans protection sociale ni accès à la santé sexuelle et reproductive.  L’égalité entre les sexes, la santé sexuelle et reproductive et le respect des droits des femmes et des filles seront essentiels pour avoir des villes durables, une bonne mobilité humaine et des migrations sûres.  La représentante a assigné 11 tâches spécifiques aux États dont la ratification de la Convention internationale sur la protection de tous les migrants et des membres de leurs familles; la confirmation de l’engagement en faveur du Programme d’action du Caire; la promotion de la coopération bilatérale et de celle entre les pays d’origine et de destination pour veiller au bon traitement des travailleurs migrants; l’élargissement de l’accès à la santé sexuelle et reproductive, y compris à l’avortement médicalisé; l’abrogation des mesures punitives , comme le dépistage ou l’expulsion des migrantes vivant avec le VIH/sida; l’amélioration des données sur les migrantes; le renforcement de la lutte contre toutes les formes de violence, et de celle sur la traite des travailleuses migrantes.
En tant que citoyenne de l’Irlande, où l’avortement est toujours pénalisé, Mme ANNA KATE DEVEREUX, Rutgers, a, au nom du partenariat « Right Here, Right Now », indiqué que sur les 18 pays membres de son partenariat, seul le Népal n’impose aucune restriction à l’avortement médicalisé.  L’avortement est certes légal au Kenya, dans certaines circonstances, mais pour une fille des bidonvilles de Nairobi, les services sont hors de portée.  Aujourd’hui dans le monde, les avortements à risques provoquent chaque année des dizaines de milliers de morts.  Parler d’avortement est indispensable puisque les jeunes migrantes et migrants, qui vivent dans des abris de fortune dans les villes, sont disproportionnellement concernés par la question et en réalité, par la violation constante de leurs droits sexuels et reproductifs.  La représentante a donc exhorté les gouvernements à prévenir le recours à l’avortement, en garantissant une éducation sexuelle complète de qualité et en fournissant des contraceptifs modernes abordables ainsi que des services de santé facilement accessibles pour les jeunes.  Elle les a aussi exhortés à assurer l’accès des femmes et des filles à un avortement sûr et légal, et ce à leur demande et quels que soient leur âge ou leur statut migratoire.  « Moi qui grandis dans un pays qui ne respecte pas mes droits reproductifs, je vous implore d’écouter la voix des jeunes qui répètent ces mots: notre corps, notre choix », a conclu la jeune femme.
Après avoir souligné l’augmentation de la population urbaine, le représentant de l’« International Federation for Family Development(IFFD) » a expliqué que son organisation, présente dans 66 pays, dirige le projet « Villes inclusives pour des familles durables ».  L’idée est que l’urbanisme doit tenir compte de tous les types de familles et de groupes sociaux, promouvoir une planification urbaine et environnementale souple et faciliter l’accès au logement, y compris par la cohabitation, l’économie d’énergie et les arrangements intergénérationnels.  Il s’agit aussi d’améliorer le lien entre les nouvelles technologies et l’intégration sociale et de combler le fossé numérique grâce à la formation des personnes âgées, entre autres.  L’accent doit être mis sur la création de crèches à proximité des maisons ou des lieux de travail et sur des stratégies pour former les jeunes à devenir parents et à interagir avec les personnes âgées.  L’organisation prône aussi la reconnaissance du travail non rémunéré, et ce qu’elle recherche au bout du compte, c’est un environnement accueillant dans les villes, fondé sur la solidarité, le soutien mutuel et l’interaction sociale, grâce à la promotion du volontariat, à une police de proximité, à des caméras, à l’éclairage public et pourquoi pas à la formation de la population aux premiers soins en cas de catastrophes naturelles ou d’attaques terroristes.
Mme MARTHA GEARY NICHOL de « Family Planning New Zealand » a expliqué que les droits à la santé sexuelle et reproductive sont essentiels à la durabilité des villes.  Elle a donné l’exemple de Kiribati où 27% des femme mariées en âge de procréer ne veulent pas d’enfants mais n’utilisent aucune forme de contraception.  Beaucoup d’entre elles vivent dans une capitale déjà surpeuplée qui continue d’attirer la majorité des migrants internes, présentant en conséquence, tous les problèmes écologiques, sanitaires et économiques que l’on peut craindre.  La population de Tawara-Sud pourrait augmenter de 70% d’ici à 2050, ce qui est intenable, compte tenu des changements climatiques.  Les gouvernements et les ONG, a conseillé la représentante, doivent se préparer à répondre aux besoins des migrants en matière de santé sexuelle et reproductive après les catastrophes naturelles.  Le train de mesures sur les premiers services minimaux a très bien fonctionné l’année dernière après l’éruption volcanique et l’évacuation de presque toute la population de l’île d’Ambae à Vanuatu. 
Mme PATRICIA STALEY, Comité international catholique des infirmières et assistantes médico-sociales – (CICIAMS), a parlé des catastrophes, de la pauvreté et de la violence dans les villes.  Elle a aussi parlé de la mobilité des personnes vulnérables, en citant les chiffres des flux d’émigration et d’immigration.  Elle a terminé par une phrase du pape François: « Les migrants ne sont pas des pions sur l’échiquier de l’humanité.  Ce sont des enfants, des femmes et des hommes qui quittent ou sont forcés de quitter ce qu’ils ont, pour l’une ou l’autre raison, et qui partagent le désir légitime de savoir et d’avoir, mais surtout, d’être plu ».
Avant de lire son discours, le représentant de Center for Family & Human Rights (C-FAM) a dénoncé ces délégations qui parlent aussi légèrement de l’avortement, en oubliant sans doute que « nous avons tous commencé notre vie sous la forme d’un embryon ».  Le représentant a aussi dénoncé le fait que la famille ne reçoive pas l’attention qu’elle mérite de la part de la communauté internationale.  On ne parle de famille et des droits de l’homme que quand il s’agit de planification familiale.  La famille est même devenue un sujet de polémique, source d’acrimonies et de désaccords pendant les négociations internationales.  Le représentant a vu là un problème parce que c’est bien cela qui empêche d’aider les familles qui, dans le monde entier, ont besoin de lois, de politiques et de programmes pour protéger et renforcer leur rôle de première ligne de défense contre les abus et l’exploitation. 
La Déclaration universelle des droits de l’homme, a rappelé le représentant, définit la famille comme l’unité naturelle et fondamentale de la société et affirme que la famille a droit à la protection de la société et de l’État.  La Déclaration ajoute que les hommes et les femmes ont le même droit de se marier librement et de fonder une famille dans laquelle ils sont égaux en droits.  D’autres textes consacrent la responsabilité première des parents de choisir eux-mêmes le type d’éducation qu’ils veulent donner à leurs enfants, de préserver le droit de l’enfant à l’identité culturelle et religieuse et surtout dans le contexte de la mobilité humaine, de réaliser le droit de l’enfant de savoir et d’être pris en charge par la mère et le père avec lesquels il doit être réuni le plus rapidement possible. 
Mme BRUNEEL, Fédération internationale des associations d’étudiants en médecine, a souligné que le droit à la santé est un droit fondamental, et que les soins doivent être accessibles à tous, sans aucune discrimination liée au sexe, l’âge ou l’orientation sexuelle.  Elle a exhorté les États à prendre des mesures spécifiques allant dans ce sens, et à accorder la priorité aux plus vulnérables.
Mme ALEXANDRA ROSE, World Youth Alliance, s’est présentée comme coalition mondiale de plus de 200 000 jeunes dans plus de 130 pays, dévoués à la promotion de la dignité humaine dans les politiques et la culture.  Elle a par exemple dit que les politiques de la population doivent être centrées sur les gens et non sur des tendances démographiques ou des politiques sociales polémiques.  Elle a mis en avant le « Human Dignity Curriculum » qui apprend aux enfants la dignité humaine.  Elle a exhorté les gouvernements à se concentrer sur l’objectif 16 du Programme 2030 relatif aux sociétés pacifiques et inclusives, pour mettre fin aux migrations involontaires.  À cet égard, elle a appelé à des lois qui protègent le regroupement familial des migrants.  Plaidant aussi pour leur accès à la justice, elle a conclu: « quand les gens peuvent compter sur des institutions justes, ils sont mieux à même d’exploiter leurs talents d’innovation, de créativité et d’entreprenariat dans l’intérêt commun et de se sortir de la pauvreté ». 
Mme WERONIKA JANCZUK, FEMM Foundation, a dit que les femmes doivent recevoir une éducation sur la santé pour pouvoir faire des choix éclairés et planifier leur carrière et leur vie de famille.  Les femmes qui comprennent leur santé, savent poser les bonnes questions au médecin et guider ce dernier vers les soins les plus appropriés.  Elles peuvent surtout décider du nombre d’enfants qu’elles veulent avoir.  Les recherches montrent que seulement 3% des femmes savent interpréter les signes comme l’ovulation.  Très peu de femmes savent que l’équilibre hormonal est un facteur fondamental d’une bonne santé reproductive qui a un lien direct avec la procréation.  Les chercheurs de la FEMM ont créé un programme de prise en charge médicale avec des protocoles et des traitements pour le déséquilibre hormonal.  Quelque 500 médecins ont été formés à ces protocoles et, avec les traitements, les femmes ont non seulement des informations et une meilleure compréhension de leur corps mais aussi des options concrètes. 
M. SAJEDA AMIN, Union internationale pour l’étude scientifique de la population – (IUSSP) a indiqué que son organisation lance de nouvelles initiatives sur les « villes durables, la mobilité humaine et les migrations internationales ».  Il a cité une équipe de travail sur les migrations internationales ainsi que des recherches pour renforcer la base des preuves de la place de la planification familiale dans les centres urbains en croissance rapide en Asie et en Afrique.  Se félicitant de liens de son organisation avec le Conseil économique et social, il a indiqué que le Directeur de la Division de la population est membre de la Conférence internationale sur la population de l’IUSSP qui compte beaucoup sur les données et les publications de la Division. 

vendredi 13 juillet 2018

Pyramide sociale et Revenu Universel

Lettre ouverte à tous ceux qui se préoccupent du “Plan pauvreté”
et du futur de l'humanité


— La pauvreté affecte l’espèce humaine en raison de la perception qu’ont ses représentants de leur condition, ce qui leur confère la volonté de vouloir toujours l'améliorer, assortie de la capacité d’y parvenir ; ce qui les distingue des autres espèces animales.

— Existant l’une par l’autre dans leur relativité, richesse et pauvreté sont distribuées pyramidalement, quelles que soient les politiques sociales menées pour tenter de limiter les effets de cette incontournable inégalité structurelle.

 Selon les hasards de son héritage, tant génétique que social, l’être humain naît plus ou moins riche et doté des facultés qui permettent à chacun de faire face aux aléas de l’existence.

Ces vérités, fondamentales autant que structurelles, ne peuvent être ignorées dans le combat, pour les pauvres et contre la pauvreté.


Le négliger ou le nier, c’est lutter contre un ennemi trop mal connu pour avoir la moindre chance de le vaincre. Cette réalité peut être observée et confirmée par des calculs simples, apparentés à la loi de Pareto appliqués à une population distribuée pyramidalement. Il en résulte, par exemple, la connaissance de la mesure dans laquelle les pauvres sont condamnés à être plus nombreux que les riches. Ainsi, 14 % de la population – les riches – se partagent 50 % de la richesse collective, alors que les autres 50 % vont aux 86 % restant de la population, constitués des pauvres, dont les pauvres profonds.


Dans le cas d’une partition de la population totale en 3 catégories sociales : riches, classes  moyennes et pauvres, le premier tiers de la richesse collective va à la première catégorie, qui représente 3,7 % de la population, alors que le deuxième tiers échoit aux classes moyennes, qui en représentent 26,3 %, et que le tiers restant va à la catégorie sociale des pauvres – dont les pauvres profonds –, soit à 70 % de la population.


Mais l’étude de la pyramide sociale conduit aussi à constater un fait aussi exécrable qu’irrémédiable et inacceptable, particulièrement lourd de conséquences et pourtant jamais dénoncé par aucun expert en sciences humaines, ni par un quelconque partisan d'un revenu de base, du moins à la connaissance de l'auteur. Ce fait peut s'énoncer comme suit :

“Si la richesse n’a pas d’autres limites que l'appétit et les facultés de ceux qui la convoitent, ainsi que les ressources dont ils la tirent, la pauvreté a la sienne, qui est le niveau zéro de cette même richesse”.

Il est nécessaire, à quiconque veut y changer quoi que ce soit, de tenir compte de cette réalité fondamentale, plutôt que de s'obstiner dans une archaïque lutte des classes qui n’a jamais rien changé pendant des millénaires au sort des plus déshérités d'entre les êtres humains, quels qu’aient été les arguments et les efforts déployés depuis Spartacus jusqu’aux révolutionnaires et théoriciens modernes – de droite comme de gauche – qui y demeurent obstinément attachés, même si parfois inconsciemment. C’est seulement en tenant compte des réalités factuelles énoncées ci-dessus et indissociables du caractère pyramidal de la société, que pourra être réduite autant que faire se peut la pauvreté, et éradiquée la pauvreté profonde. En se gardant au demeurant de confondre ces deux états, ce qui ne peut qu'exacerber le sentiment de frustration qu'inspire leur sort à ceux qui vivent au niveau zéro de la richesse. La misère (1) dont ils sont frappés est une plaie ouverte depuis toujours au flanc de l’humanité, qui peut être guérie en y consacrant une partie de la richesse considérable créée et accumulée collectivement au cours des siècles, plutôt que par l'impossible écrasement de la pyramide sociale, à travers celui des riches qui en occupent le sommet, ce qui n'aurait pour effet que l'appauvrissement de l'ensemble de la société. Il suffit pour s’en convaincre, de considérer que le nombre de ceux qui vivent au plus près du niveau zéro de la richesse, qui est de nos jours plusieurs fois ce qu’était la population humaine, toutes conditions confondues, il a deux millénaires. Il faut en effet savoir que quel que soit le nombre d'êtres humains qui échappent à la pauvreté “ordinaire” de nos jours, 1 à 2 milliards d'êtres humains souffrent de pauvreté profonde en vivant avec moins de 2 dollars par jour, soit 4 à 8 fois les 250 millions de Terriens, de toutes conditions sociales, qui peuplaient la Terre en l’an 1 de notre ère.

En résumé, la pyramidologie sociale (2) conduit à préconiser le relèvement de la base de la pyramide du même nom, par rapport au niveau zéro de l'échelle de richesse collective qui lui est associé, plutôt que son illusoire écrasement.

Ceci est possible, par instauration de ce revenu universel ayant déjà fait couler beaucoup d’encre, à condition de tenir compte des réalités énoncées ci-dessus.


Faute de cela, toute tentative ne sera qu’un tâtonnement de plus conduisant à l’échec.




« Il s’agit de remplacer un enchevêtrement compliqué de dispositifs fiscaux, sociaux et familiaux, sans oublier diverses dispositions du droit du travail, par un seul outil redistributif intégré.» - Marc de Basquiat - AIRE, Association pour l’Instauration d’un Revenu d’Existence.
« … des expérimentations de revenu de base se concrétisent en France et en Europe, c’est le moment de créer une véritable force citoyenne pour peser dans le débat et aboutir à l’instauration d’un revenu réellement inconditionnel, individuel et universel ! »  - MFRB, MOUVEMENT FRANÇAIS POUR UN REVENU DE BASE (Camp de base du MFRB : Août 2018)
De nombreux auteurs traitant du revenu universel, les adresses de quelques sites internet sont proposées à ce sujet en fin d'articles (3) .

Quelles qu'en soient les conclusions, reste à faire en sorte que la raison triomphe de la misère partout dans le monde, sachant que ce triomphe ira bien au-delà de celui escompté. Il permettra, puisque la misère en est unanimement reconnue comme la cause, de venir à bout du premier des maux de l’humanité qu’est une surpopulation dont les besoins dépassent désormais largement les ressources que lui offre son habitat


Toujours pour des raisons liées à la structure incontournablement pyramidale de la société, les pauvres s’y multiplient en effet d’autant plus vite que leur pauvreté est profonde. Le relèvement de leur niveau de vie par un Revenu Universel Minimum et Inconditionnel (RUMI) entraînera un alignement des taux de fécondité des plus pauvres sur celui des catégories sociales pour lesquelles une descendance nombreuse n’est pas le seul moyen de lutter contre les aléas de l’existence et en particulier de la vieillesse. C’est ainsi que le RUMI contribuera, de manière et dans une mesure déterminante, à la régulation indispensable de la démographie humaine, telle que la réclame de toute urgence la nature, sans compter la nécessité de répondre à un transhumanisme avançant à grand pas et dont les conséquences sur le marché du travail, donc sur les conditions d’existence de l'humanité, seront considérables.


1 - Entre autres définitions de la pauvreté et de la richesse, voir :
2 - Pour la définition de ce qui est nommé ici richesse collective, ainsi que pour tous détails d’ordre
méthodologique concernant le raisonnement proposé, voir :
3 - Sélection de sites traitant du Revenu universel :

vendredi 22 juin 2018

Genèse et pyramide sociale

Article révisé le 20/02/02024

Comment le monothéisme a-t-il pu porter l'homme à prétendre remédier à l'injustice sociale par la compassion, en négligeant les aspects fondamentaux et irrémédiables de sa condition ?

Les techniques de construction des pyramides – égyptiennes entre autres – sont en tous cas moins importants à connaître, pour le bonheur sur Terre, que la conception qu’avaient ceux qui les ont édifiées, des fondamentaux de la condition humaine, tels qu'ils ont pu les inspirer.

Faire de la pyramide une représentation schématique de la société, relève pour certains de la fantaisie et nombreux sont ceux qui en rejettent la seule idée, parce que contraire à celle que l’homme se fait de lui-même et à son idéal d’égalité, voire d’égalitarisme. Pourtant, rien de plus exact que les niveaux de plus en plus peuplés de la pyramide sociale, depuis son sommet jusqu’à sa base ; que les différences et superpositions qu’exprime cet empilement, comme autant de ces suprématies et subordinations, naturelles ou non, qui suscitent tant de peurs, de frustrations et de ressentiment ; que les relations d’interdépendance qui s’y établissent ; que les inégalités de richesse matérielle et immatérielle qui y règnent et s'y développent ; que ces pouvoirs que confèrent le savoir, l’intelligence et tant d’autres facultés qui sont autant de richesses inégalement partagées. Pour échapper à la pyramide, bien des experts en sciences dites humaines ne proposent-ils pas la toupie, le “diabolo” ou le sablier, faits d’un ou deux cônes plus ou moins déformés, opposés par leurs bases ou par leurs sommets, ou encore la sphère, quand ce n’est pas le camembert, le donut, la nébuleuse et autres savantes figures. Au degré de précision près et abstraction faite des indices et autres paramètres expliquant le tarabiscotage de telles représentations, c’est oublier que pour l’usage qui en est fait, ces représentations se ramènent toutes à un polyèdre représentatif d'un contenu quantifiable, dont la distribution va de l’unité, positionnée en son sommet, au nombre le plus élevé occupant sa base.

L’économie d’une polémique peut donc être faite, et la pyramide être d’autant plus opportunément employée, qu’au-delà de sa segmentation en niveaux hiérarchiques elle affiche ceux-ci dans leur rapport avec la démographie, dès lors que son volume est conventionnellement admis comme représentatif de la population totale qui l’habite.

Ceci n’est certes pas sans risquer ajouter l’occulte à l’extravagant, spécialement pour ceux qui prétextant de la manie qu’inspire l'égyptomanie, pourront esquiver la remise en cause de leur propre vision de la société. Mais n’est-ce pas précisément l’occasion de s’arrêter un instant sur la relation pouvant exister entre la pyramide antique et son usage en tant que représentation de la société ? En tout état de cause, est-il possible de faire sérieusement référence à la pyramide – quelle que soit la figuration à laquelle elle prétende – sans évoquer la part de mystère qui y est attachée depuis la découverte et l’exploration des premières d’entre elles ? Voici en tout cas implicitement posées quelques questions subsidiaires.

Alors que l’esprit de leurs constructeurs n’était pas encore influencé par le progrès ni asphyxié par des savoirs tellement abondants et diversifiés que nul ne s’aventurerait plus à tenter d’en faire la synthèse ; quand nous en sommes réduits à constater qu’en dépit de tant de connaissances accumulées nous n’en savons pas davantage qu’eux à propos du jeu de la vie dont nous avons la fatuité de nous croire des pions privilégiés ; pourquoi se sont-ils aussi universellement attachés à ce volume plutôt qu’à un autre ? Au-delà de la simple continuation d’une pratique architecturale remontant à la plus lointaine préhistoire, telle que pouvant résulter de l’édification d’un amas de terre et de pierres, ou de la construction d’une hutte de branchages revêtus de feuillages ou de  peaux, quelles considérations ont pu guider leur choix parmi les autres formes possibles dont témoignent tant de construction édifiées par l'être humain ? Pour quelles raisons les témoignages de ce choix nous sont-ils parvenus aussi nombreux et d’endroits si divers ? Quelle relation immatérielle pourrait exister entre la vision qu’ont pu avoir de la pyramide nos lointains ancêtres, et une humanité dont la condition et l’organisation, fondamentalement inchangées depuis la nuit des temps, s’y inscrivent avec autant d’évidence ?

Autant de questions ne peuvent qu’encourager un supplément de réflexion prenant en compte quelques données appartenant tout simplement à l’histoire de la vie, ramenée à celle des hommes. Si les enseignements susceptibles d’en être tirés peuvent paraître vains, qui niera les attraits du mystère ? Et puis, quels sont les moyens restant à l’ignorant pour exercer sa curiosité, sinon cette imagination qu’il lui arrive de se voir reprocher par ceux qui ne voient que par la religion ou la science ? Doit-il se priver de l’employer ? Doit-il refuser de s’y laisser aller ne serait-ce qu’un instant ? Est-il condamné à subir la toute puissance de démonstrations réputées savantes auxquelles il arrive aussi d’être contraintes à la remise en cause ?

C’est en tout cas se référer à un fait connu que de rappeler qu’en de nombreux endroits du monde existent des tertres et des cairns plus ou moins érodés, vestiges de constructions résultant de l’empilement de terre et de pierres et dont l’intérieur est parfois aménagé. En France, et plus précisément en Bretagne, le grand tumulus de Carnac et une trentaine d’autres, datant de 4500 ans environ avant notre ère, indiquent que parmi les premières constructions monumentales à avoir été édifiées par Homo sapiens, figurent celles faites de ces empilements rudimentaires. Si certains y voient l’origine de toutes constructions de forme pyramidale, ils doivent savoir que des pyramides – qui ne sont pas seulement égyptiennes – sont antérieures aux tumulus les plus anciens que nous connaissions. Il paraît donc peu probable que la pyramide soit simplement une sorte de perfectionnement de ces amas coniques de matériaux et la question reste entière. Qu’elle ait été ou non d’abord naturellement conique, à la manière de n’importe quel tas de terre ou de cailloux, pourquoi la pyramide ? Sont-ce les limites des moyens techniques dont ils disposaient qui ont amené les constructeurs des premières d’entre elles à adopter une forme si caractéristique ? La tentation est grande d’opter pour cette hypothèse, mais les édificateurs des grandes pyramides, notamment d’Égypte, se sont montrés capables d’autres prouesses architecturales et techniques. Les spécialistes nous diraient peut-être s’il existe d’autres raisons, mais il est suffisant ici de retenir que la pyramide est apparue sous toutes les latitudes aux époques les plus reculées.

Leur notoriété renvoie d’abord aux égyptiennes, qui sont incontestablement les plus connues. Parmi celles dont l’existence est prouvée, bien que certaines n’aient pas encore été explorées, plusieurs dizaines ont été et sont toujours étudiées, alors qu’une centaine, restant à tirer de l’oubli, a été localisée entre les sources et le delta du Nil, aux confins de ces régions réputées être le berceau de l’humanité. Mais de nombreuses constructions pyramidales sont présentes ailleurs dans le monde. En Afrique toujours, avec les pyramides de Méroé ; en Amérique centrale comme en Amérique du Sud, du Mexique au Pérou, où elles ont été découvertes avec le continent et les civilisations qui le peuplèrent avant l’arrivée des Européens. D’autres encore ont été recensées : en Europe ; comme à Visoko en Bosnie. En Chine, où il en existe de plus nombreuses, plus monumentales, plus riches et aussi anciennes que celles d’Égypte, qui témoignent de la puissance et du raffinement de ceux qui les édifièrent. Aucun des continents où ont vécu les civilisations ayant participé de près ou de loin à l’avènement de l’actuelle société mondialisée des hommes n’a échappé à ce qui constitue un phénomène d’ampleur planétaire. La récente découverte, à proximité du cercle arctique, des pyramides de Kalo confirmerait s'il en était besoin l’intérêt qu’a toujours éprouvé et qu'éprouve encore l’homme pour le volume pyramidal (Cf. pyramide du Louvre à Paris). Pourquoi cette forme plutôt qu’une autre ? Que peuvent signifier une telle ancienneté, une telle universalité, un tel attachement ?

L’économie, nom pudiquement jeté comme un voile sur un ensemble de pratiques, par ceux qu’elles enrichissent, a de tous temps ouvert les chemins d’une exploration qu’ont empruntés, autant pour la soutenir que pour en profiter, les soldats et les porteurs de la bonne parole, profane comme religieuse ou savante. Les sciences humaines balbutiantes, qui participaient ainsi à la démarche, ont vite été débordées par un appétit matérialiste soutenu par les sciences dites exactes et cette révolution industrielle dont nous connaissons aujourd’hui le flamboiement pour le meilleur et pour le pire. Cet appétit pouvant être précisément la cause d’un déficit d’humanisme, la perte définitive des repères élémentaires dont ont usés nos ancêtres ne peut-elle pas lui être imputée ? Il est en tout cas permis de s’interroger sur le fait que la sociologie, la démographie, l’économie, la politique … mises ici en relation avec la pyramide sociale, en tant qu’héritières de cet humanisme exercé à une époque où l’homme était un individu encore respecté par le nombre, s’exercent encore au nom de cet humanisme. La pyramide, qui symbolise l’organisation dont traitent ces disciplines – parfois en paraissant ne pas s’en rendre compte – ne fut-elle pas considérée comme telle en d’autres temps, au point qu’à travers elle et l’usage qu’en a si abondamment fait en tant d’endroits une lointaine humanité, nous ait été délivré un message oublié depuis ou que nous serions devenus incapables de déchiffrer et de comprendre ? C’est l’un des objets des mathématiques, et de la géométrie en particulier, que de fractionner, disséquer, analyser, mettre en équations, figures et volumes ; que de raisonner à leur sujet et en tirer des lois permettant d’avancer vers la compréhension en tout. Bien avant que les hommes aient connu les plus élémentaires de ces lois – et pour les découvrir – ils ont donc nécessairement vécu livrés à leurs seules facultés d’observation et à leur intuition, lesquelles les ont conduits à l’astronomie, à la géométrie, à la philosophie, etc. À quel moment de ce long parcours, et à quel titre, la pyramide a-t-elle retenu leur attention ? Et qui a été le premier à s’en préoccuper ? Quoi qu’il en soit, livrée à la rigueur scientifique comme aux supputations les plus hasardeuses, la pyramide semble avoir été de tout temps l’objet d’une considération particulière. Est-ce seulement parce qu’elle a été l’une des premières constructions monumentales de l’homme ?

Ceci suffit-il à expliquer cela ? À supposer qu’un empilement de terre et de pierres ait pu être l’élémentaire façon de construire de tous les hommes, plutôt que d’imaginer que des civilisations aussi éloignées les unes des autres dans le temps que dans l’espace aient pu échanger leurs savoirs de bâtisseurs, est-il interdit de penser qu’ils aient pu accorder à la pyramide, sans se connaître et encore moins se consulter, une signification qui a ensuite évolué, jusqu’à revêtir ces dimensions sépulcrale et sacrée sont celles que nous connaissons le moins mal ? Son ésotérisme ne peut qu’en être avivé et donner lieu à l’échafaudage de théories les plus invraisemblables, mais la simple réflexion peut aussi conduire à une hypothèse plus pragmatique. Sans ôter quoi que ce soit à son caractère universel et outre sa fonction de tombeau réservé aux grands, la pyramide ne peut-elle être considérée sans le mystère, voire la magie que lui prêtent certains ? La coïncidence entre sa forme même et des aspects fondamentaux de l’organisation dans bien des domaines, à commencer par ceux où règne une hiérarchie, naturelle ou non, ne suffit-elle pas à éveiller l’attention ? Est-il contestable que l’organisation humaine puisse être ramenée à la structure pyramidale, avec son sommet et sa base ? Constat d’une simplicité qui décevra un grand nombre d’amateurs de mystère mais qui justement, par une évidence que la superstition a pu nous faire négliger pendant que le temps y ajoutait la banalisation et l’oubli, pourrait avoir conduit d’anciennes civilisations disposant d’un sens de l’observation intact, à attribuer à la pyramide une signification en accord avec cette coïncidence de portée universelle, liée à notre condition d’êtres organisés depuis toujours en sociétés pyramidales – parce que la nature le veut ainsi et que la nature humaine y ajoute – qu’il s’agisse de la famille, du clan, de la tribu, de la nation ou de quelqu'autre organisation que ce soit, dès lors que s’y exercent les pouvoirs de l'interdépendance.

Hormis son caractère sacré, qui semble au demeurant ne pas avoir été le seul lui ayant été conféré, ni honoré de la même façon par les divers peuples en ayant édifié, la pyramide pourrait alors être simplement la représentation de ce concept fondamental, reconnu comme tel par des bâtisseurs n’ayant vécu ni aux mêmes endroits ni aux mêmes époques et n’ayant pu échanger d’informations, sauf hypothèse d’une transmission par des voies et des moyens qu’il nous resterait à découvrir. Si des civilisations précolombiennes ont usé de la pyramide comme outil de représentation de la société telle qu’elles la percevaient, il a pu en être de même à d’autres époques, en d’autres lieux et à des degrés divers, de la part d’autres peuples. La simple observation et le raisonnement des uns et des autres ont pu, de manière parfaitement plausible, les conduire à considérer que bien des phénomènes, à commencer par leur propre organisation, pouvaient être rapportés à la pyramide. Celle-ci aurait ainsi été, à des siècles de distance et au-delà des océans comme des montagnes, le symbole universel et universellement partagé de la condition humaine, par le seul effet d’une évidence qui aurait fini par nous échapper. Entre temps, ce sens aurait pu lentement évoluer en conservant sa dimension sacrée, liée à cette idée de Vérité associée aux croyances successives de l’homme, depuis les divinités spécialisées, hiérarchisées et vivant chacune au sommet de leur propre structure – pyramidale elle aussi – jusqu’au monothéisme s’attaquant à une angoisse universelle, qu’il ne restait plus à ses prophètes qu’à codifier pour tenter de la rendre plus supportable. La pyramide ne lève pas la disgrâce existentielle de l’homme ; elle ne fait au contraire qu’accentuer l’angoisse qu’il peut en éprouver, en représentant avec un réalisme implacable l’univers structuré et clos dont il est à jamais prisonnier, après qu’un sort inexplicable lui ait assigné à sa naissance une place en son sein, ignorant les promesses de compensation dans l’au-delà que sauront lui offrir les nouvelles religions. Pour aborder cet au-delà, seuls les morts ayant le privilège de loger dans la pyramide, après avoir siégé à son sommet de leur vivant, y étaient préparés, par la momification s’opposant à la corruption de leur chair, comme en se munissant de ce qui serait nécessaire à leur survie dans leur nouveau séjour.

Des divinités peuvent avoir coexisté avec la pyramide et elle a pu être le lieu de cultes célébrés en leur nom ainsi que celui d’autres pratiques aussi bien religieuses que profanes, avant de devenir les témoins de secrets enfouis avec elles sous les sables des déserts, aussi bien que sous la végétation la plus luxuriante ou les glaces arctiques. L’apparition puis l’expansion du monothéisme sont-elles pour quelque chose dans le déclin de la pyramide ? Laissons aux historiens le soin de nous renseigner, la réponse n’étant pas nécessaire ici. Mais les grandes religions, à travers le judaïsme pour ce qui est de l’Occident puis du Moyen-Orient, ne peuvent-elles pas s’interpréter comme des réactions envers une malédiction sociale dont la pyramide fut longtemps et partout la représentation et peut-être pour certains la dénonciation ? L’aggravation de l’angoisse en résultant pour l’homme ne pouvait aller sans susciter un besoin de reconnaissance, d’espoir et d’amour dont la Bible – refoulée par une Égypte dominée par la pyramide – portait les germes. Des religions salvatrices, fondées sur la révélation et encouragée par une crédulité, des peurs et une superstition nées bien avant elles, n’auraient-elles pas pu ainsi se substituer à des croyances résultant d’une rationnelle observation de la réalité, telle qu’y engage une vision pyramidale de toute organisation hiérarchisée, naturellement ou non, à commencer par celle de la société humaine ?

L’homme, ébloui par sa foi telle que l’ont sublimée des religions proches les unes des autres et d’ailleurs sur le chemin de l’unification, ainsi que des idéologies laïques visant elles aussi son bonheur par un refus sommaire de la société pyramidale, peut avoir de la sorte oublié d’anciennes croyances, issues non pas de la révélation, mais de la simple observation ? « Tu ne t’éteindras pas, tu ne finiras pas. Ton nom durera auprès des hommes. Ton nom viendra à être auprès des dieux. » Cette assurance de vie éternelle adressée à Pépi 1er (-2289/-2247) et gravée sur les parois de son appartement funéraire, appartient à l’un des plus anciens recueils de textes de l’humanité. Il est probable que ces incantations, qui aidaient le souverain à renaître dans l’au-delà, furent récitées par les prêtres jusqu’à la Ve dynastie égyptienne. Quelles autres incantations les prêtres récitaient-ils, sans que le rôle de tombeau fut ou non dévolu à la pyramide ? Quelle que soit la réponse à cette question, le texte gravé sur les parois de la chambre funéraire de Pépi 1er est du plus grand intérêt dans sa première phrase, laquelle peut s’adresser aussi bien à la pyramide qu’au défunt pharaon. La formule ne pourrait-elle pas être antérieure à la fonction funéraire de l’édifice ? D’éternel à universel il n’y a qu’un pas que les anciens ont pu franchir, concernant le caractère de la pyramide, en partant des observations auxquelles ils avaient pu se livrer, expliquant leur choix architectural. Il n’est pas impossible qu’ils en aient tiré conclusion. Une vision pyramidale applicable à toute organisation hiérarchisée, comme l’a toujours été par nature celle de toutes les espèces, a fort bien pu conduire les premiers penseurs à voir avec réalisme l’humanité condamnée à subir un sort irrévocable. Voici en tout cas ce qui précède de peu et même coïncide avec l’avènement et le succès des grandes religions modernes, promettant à tous la vie éternelle et la compensation de leurs peines telles qu’endurées de leur vivant à l’intérieur d’une abominable pyramide sociale dont nul ne veut plus entendre parler. Les clercs de l’époque – qui pourrait s’inscrire dans la troisième de Condorcet (1) – étaient-ils à ce point convaincus de la justesse de leur vision de la condition humaine, qu’ils aient voulu par leurs pyramides la transmettre envers et contre tout afin qu’il en soit tenu compte dans la recherche du meilleur équilibre social possible ? Aurions-nous oublié leur avertissement, séduit par le mirage du progrès matériel et encouragés par d’autres clercs ayant véhiculé, véhiculant et multipliant depuis, d’autres croyances, assez rassurantes pour être préférées à une vérité aussi profonde que naturelle, que nous préférons ignorer à la manière des autruches ? Il est en tout cas intéressant, pour approfondir ces questions, de s’interroger d’une part sur les raisons pour lesquelles le panthéisme, porté par la Grèce antique à son apogée que fut l’olympe, s’est inséré entre le collège des Dieux de l’Égypte, associés à ses pyramides, et la religion monothéiste révélée d’Israël, avant que le Christianisme et l’Islam ne le cautionnent ; et d’autre part – d’un point de vue socio-politique–, sur l’évolution de l’idéal républicain, depuis sa naissance avec Périclès jusqu’aux avatars des démocraties, moderne dont l'histoire récente fournit bien des exemples. Il en ressort que l’homme a toujours été et demeure prisonnier, autant de ses angoisses que de sa crédulité. Et le fait que cette dernière semble s’éroder au contact de la science n’y change rien. Non seulement il a troqué au cours des millénaires de son évolution, ses croyances religieuses pour d’autres, sa spiritualité multipliant sectes et religions, mais il y a ajouté des idéologies le privant tout autant de son libre arbitre. Toujours est-il qu’il en résulte un fait essentiel : La quête de plus de justice sociale et le combat contre la pauvreté et les inégalités sociales, tels qu’ils sont dictés à l’homme par ce désir inné et la capacité d’améliorer sa condition qui le distinguent des autres espèces peuplant l'univers connu, sont privées d’une vérité incontournable. Or est-il possible de lutter efficacement contre qui ou quoi que ce soit, sans d’abord les connaître et les reconnaître ?


1— Cf. Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain – Troisième époque