dimanche 1 juillet 2012

La pyramide sociale et l'écologie

Le bon sens interdit de traiter d'une pyramide, quelle qu'elle soit, sans en évoquer le support ; sans faire mention de ce qui la situe dans l'espace, après l'avoir considérée dans le temps. Si ses déséquilibres internes ne dépendent en effet que de la déraison de ses occupants, ceux-ci ne sont pour rien dans ses fondations. Il n'en demeure pas moins que les secousses provoquées par les déséquilibres interne de la pyramide, comme son poids, peuvent les ébranler et compromettre la stabilité de l'ensemble.


Or nul ne peut nier que le rapport entre l'atrophie de la pyramide sociale et son poids écologique soit devenu des plus précaire et touche de plus en plus fréquemment au catastrophique, au point que parler dorénavant de croissance est non seulement révoltant d'irresponsabilité mais d'une totale incongruité, voire obscénité, si la notion fondamentale d'un contrôle démographique n'y est pas introduite avec la plus grande détermination.


D'autres l'ont dit en termes plus feutrés, respectueux de la sensiblerie d'une certaine écologie. Ainsi du rapport 2009 du Fonds des Nations Unies pour la Population :
« L’effort à long terme nécessaire pour maintenir un bien-être collectif qui soit en équilibre avec l’atmosphère et le climat exigera en fin de compte des modes viables de consommation et de production, qui ne peuvent être atteints et maintenus que si la population mondiale ne dépasse pas un chiffre écologiquement viable.»
Ou de Kofi Annan, Secrétaire général des Nations Unies (1997 - 2006) :
« Si nous continuons dans cette voie, si nous ne faisons rien pour enrayer l'accroissement de la population, nous allons en payer le prix, nous allons nous retrouver dans un monde surpeuplé. La démographie a un impact sur le développement économique, sur l'environnement et sur les ressources de la Terre qui sont limitées.»


Dans le même temps, une pétition contre le gavage des palmipèdes fournit l'exemple emblématique de la manière qu'ont les individus les mieux intentionnés de considérer un problème contre lequel ils entendent lutter, en tenant leur lorgnette par le mauvais bout, faisant ainsi le jeu de ceux qui, par stupidité ou démagogie, se gardent bien d'aller à l'essentiel. Autant que sur la pratique du gavage des palmipèdes, sinon davantage, c'est sur les consommateurs de foie gras qu'il faut agir, et à défaut de parvenir à les dissuader d'en consommer, il reste à en réduire le nombre.
Là comme ailleurs, les abus commis par les hommes sont fondamentalement liés à leur nombre puis à leur surnombre. Les super prédateurs qu'ils sont étant privés de raison, comme le démontre leur comportement dans tous les domaines – les effets du progrès qui leur est dû et de leurs inventions les plus utiles ayant systématiquement deux effets, l'un au service du bien et l'autre au service du mal, que chacun en fasse le bilan en son âme et conscience –, reste à en limiter la population, le reste suivra. Dans l'exemple qui nous occupe, n'oublions pas que le développement de la consommation de foie gras est seul en cause et que : à moins de consommateurs de foie-gras, moins d'oies et de canards à gaver, comme à moins de pilleurs des ressources de la planète, moins de pillage, à moins de gaspilleurs en tout moins de gaspillage, à moins de pollueurs moins de pollution, etc. Penser et agir autrement ne fait que soulager les bonnes consciences.


La mesure et la manière dont l'arbre cache la forêt aux yeux de l'humanité entière - de son élite à ses plus humbles représentants - appellent-elles la compassion ou l'affliction ? Le répéter inlassablement suffira-t-il à éviter la résignation au pire ?


En dépit des variations de la croissance démographique soufflant le chaud et le froid et de la sempiternelle annonce de son ralentissement, celui-ci semble en tout cas, en l'état actuel des choses, non seulement peu probable mais quasiment exclu pour de nombreuses raisons parmi lesquelles :
- La tendance observée depuis la naissance de l'espèce humaine, et plus particulièrement au cours de ses deux derniers millénaires.
- Les effets du progrès, notamment sanitaire.
- Les résultats de l'action humanitaire, encourageant les naissances et retardant la mort des plus malheureux, à défaut de les empêcher de souffrir de leur misère.
- Les conséquences dramatiques d'une inversion de la tendance en termes de vieillissement de la population et de réduction du nombre des actifs.
- L'aveuglement, l'imprévoyance et l'égoïsme des hommes, tous arcboutés sur leurs habitudes et leurs avantages acquis – pour ceux qui ont le bonheur d'en bénéficier.
- La cacophonie régnant chez la plupart des partisans d'un contrôle démographique.
- L'opposition farouche des opposants à ce dernier.
etc.

La prise de conscience de la réalités fondamentale qu'est le simple fait démographique est pourtant non seulement nécessaire, mais plus qu'urgente.
Le livre La pyramide sociale - Monstrueux défi

jeudi 12 janvier 2012

La pyramide inversée, ou le triomphe de la pauvreté

Lorsqu'ils ne réfutent pas la structure pyramidale de la société, il en est qui prétendent la renverser sur son sommet pour atteindre cet idéal d'égalité qui reposerait sur la disparition des riches. Fantasme des partisans d'un égalitarisme exigeant la mort des nantis, la base de la pyramide sociale doit ainsi écraser la société sous son poids, jusqu'à obtenir un nivellement généralisé, évacuant la richesse dans le triomphe des pauvres. Que ce triomphe, allant à contre courant du progrès, risque être celui de la pauvreté davantage que des pauvres, conduisant à la misère pour tous avant de sombrer dans l'inexistence sociale et la barbarie, n'est qu'un détail qu'il suffira de régler le moment venu. Quoi qu'il en soit, la pyramide inversée a ceci de remarquable qu'elle n'est plus une pyramide et tient davantage de l'entonnoir que de ce volume géométrique, universellement reconnu comme représentatif de toute organisation hiérarchisée et faite d'interdépendance entre ses membres.

L'inversion de la pyramide sociale n'est que sa déformation, par l'illusion d'une idéologie sommaire prétendant hisser à un sommet qui n'en est plus un – et qui est même son contraire –, la masse des individus en constituant la base ; négation extrême de ces individus en tant que tels, au profit d'une puissance faite du nombre. C'est aussi oublier un peu facilement que si tous nous profitons – aussi inégalement que ce soit – de siècles de progrès, celui-ci résulte des impulsions d'une élite dirigeant la masse, pour le meilleur et pour le pire, ce qui en fait précisément l'élite. Qu'une partie de cette élite puisse usurper sa position dominante ou en abuser, qu'il arrive à certains de ses représentants d'opérer dans l'imposture et l'incompétence, est une toute autre affaire qui ne dément pas davantage l'organisation pyramidale de la société que la valeur représentative du volume qu'est la pyramide.

La pyramide sociale inversée ne fait qu'exprimer une volonté de soumission de la raison à la force, de l'intelligence à l'instinct, de la civilisation à la barbarie, sachant au demeurant que les révolutionnaires les plus radicaux, les pires anarchistes, sont eux-mêmes structurés pyramidalement, avec leurs chefs (instigateurs, fomentateurs et meneurs en constituant l'élite) – le premier d'entre eux siégeant au sommet –, puis leurs cadres et leurs exécutants aux niveaux intermédiaires, même quand il arrive que les uns et les autres participent également à l'action.

Le renversement de la pyramide sociale est un geste dicté par l'angoisse existentielle et la conception morbide d'un désespoir tournant le dos à la réalité plutôt que de l'affronter. Hors du temps et de la raison, il préfigure cette déshumanisation à laquelle nous aboutissons tous ; ce néant où la politique pas davantage que la sociologie ou la démographie, l'ordre que l'anarchie ou que la dernière des idéologies, n'ont plus leur mot à dire.

Que les chemins du progrès et de son partage soient semés d'embûches et que les pouvoirs, notamment politique, scientifique et religieux en soient comptables, rien ne paraît plus vrai ni plus légitime, mais n'est-il pas d'attitude plus sensée que celle qui consiste à vouloir mettre fin, à n'importe quel prix, à une évolution conduisant, en dépit de ses lenteurs et de ses ratées, au mieux être souhaité par le plus grand nombre ?

La pyramide sociale ayant au moins le mérite d'être une représentation réaliste et suffisamment compréhensible, y compris par ceux qui la contestent, l'impossibilité absolue de la détruire peut les conduire à envisager son utopique retournement. Mais à quoi d'autre celui-ci pourrait-il conduire, qu'à édifier une autre pyramide ? Les exemples de l'aboutissement d'une telle utopie sont aussi nombreux que les échecs par lesquels se sont traduites les tentatives d'instauration du pouvoir de la base : des innombrables jacqueries qu'a connu de tous temps le monde à la révolution bolchevique et à l'effondrement du bloc soviétique, du fiasco de Cuba à l’évolution du communisme en Chine, en passant par l'Albanie, la RDA et bien d'autres pays, sans oublier le point d'orgue en la matière que fut le Cambodge de Pol-Pot et de ses Khmers rouges.
Il faut se souvenir que 12 ans après cette tentative de renversement de la pyramide sociale que fut sa Révolution qu’elle voulait universelle, la France avait un empereur, puis a connu d’autres monarchies et de nouvelles républiques, dont l’actuelle, qui ne satisfait pas davantage le citoyen que les précédentes, en attendant la suivante. Démonstration s’il en est que la révolte n’apporte de changement qu’en haut de la pyramide sociale, là où se joue une partie de chaises musicales, un pouvoir remplaçant l’autre. Mouvante mais impérissable, la structure de la société demeure la même et la masse qu’elle organise et qui croît sans cesse en nombre, ne fait que changer de maîtres ou s’en donne l’illusion, avec l'aide de sciences et de techniques porteuses, pour l'essentiel, de nos avancées sociales.
Une révolution chasse l’autre, et aucune n’a jamais rien durablement changé à l’ordre des choses.

D'ailleurs, qui de nos jours peut sérieusement imaginer qu'au lendemain de l'aboutissement de la lutte finale, le grand partage ayant eu lieu et chacun bénéficiant du revenu universel, la terre ne sera pas peuplée de ceux qui sauront le faire fructifier et de ceux pour qui il sera insuffisant ? Sauf bien entendu diktats d'un régime dictatorial – avec lui aussi un sommet dominant sa base – encore plus insupportable à l'homme que les pires inégalités.

C'est à confondre égalité devant la loi avec égalité de revenu que nous oublions que richesse et pauvreté, toujours relatives et existant l'une par l'autre, structurent la société et que les capacités faites de courage, de talent, d'ambition, de chance, de désir d'innover et d'entreprendre, de goût du risque, etc… (sans négliger les hasards de la chance) sont des différences fondamentales de l'un à l'autre d'entre nous qui se compliquent avec le nombre.

Qu'en sera-t-il lorsque nous serons 10 milliards et plus ?
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