Condition humaine et malheurs du monde
« Tout être humain est avant toute autre activité ou toute autre considération un consommateur » Gaston Bouthoul (1896-1980), in Traité de sociologie, éditions Payot 1968, tome II, p.180. Et parce qu’il doit impérativement se nourrir, se vêtir, se loger et se soigner, il l’est depuis sa conception jusqu’après sa mort, comme en attestent les marchés du prénatal et du funéraire. Il se double ensuite d’un producteur, dès qu’il est en âge de travailler, devenant ainsi un agent économique au service de la société, mais aux dépens de son environnement.
Plus le nombre de ces agents a augmenté au cours des millénaires, plus leurs besoins se sont accrus, outre ceux qu’ils se sont inventés toujours plus nombreux, plus ils ont produit, consommé ; ont échangé et se sont enrichis, avec l’aide du progrès scientifique et technique, quelles que soient les conditions du partage de leurs richesses. Qu’il s’agisse de gestion de ressources non renouvelables comme de déchets, ou de pollution, les atteintes à l’environnement ont ainsi toujours augmenté avec la population humaine, ses besoins et leur industrie telle que nécessaire à leur satisfaction, ajoutant de la sorte aux effets des caprices d’une nature jamais avare de catastrophes inopinées ou cycliques.
Tous les malheurs du monde que l’homme a la capacité de maîtriser en découlent et sont aggravés par le caractère incontournablement pyramidal de sa société, selon lequel :
1° – Richesse et pauvreté existent l’une par l’autre, dans leur relativité. Sans riches point de pauvres et réciproquement.
2°– Les hasards de sa naissance et l’héritage génétique, social et culturel qui en résulte, assignent à chacun sa place au sein de cette pyramide sociale, quels que soient : les aléas heureux ou malheureux de son existence par la suite ; les effets de la compassion la plus sincère éprouvée pour les plus déshérités ; les corrections et compensations que puisse leur offrir la société.
3° – Pour des raisons purement structurelles, toujours liées au caractère pyramidal de toute société fondée sur l’interdépendance hiérarchisée de ses membres, comme l’est celle de l’humanité, les pauvres s’y multiplient à une cadence qui est moyennement 6 fois celle des riches.
C’est dans ces conditions, que sous la pression des centaines de milliers d’êtres humains qui viennent de nos jours s’ajouter quotidiennement à leur population mondiale, leur pyramide sociale s’atrophie toujours plus et que son sommet s’éloignant incessamment de sa base, les écarts de richesse entre ses occupants se creusent inéluctablement d’autant.
Or les êtres humains, en dépit de la conscience qu’ils ont d’eux-mêmes – à moins que ce soit précisément pour cette raison – prêtent peu attention à ces réalités. Sous l’emprise croissante de sentiments et d’émotions que leur dictent d’obscures peurs ataviques et une angoisse existentielle augmentant avec le nombre et les difficultés de gouvernance qui en découlent, ils préfèrent, à l’observation de faits et chiffres incontestables, les dogmes lénifiants de croyances religieuses fondées sur le mystère et les certitudes de doctrines politiques et sociales qui en tiennent lieu pour les laïcs. Ceci d’autant que depuis qu’ils existent, certains d’entre eux ont compris les avantages qu’ils pouvaient tirer, de cette spiritualité – faculté par laquelle chacun tente de s’expliquer ce qui lui est inaccessible et que seule une patiente démarche rationnelle semble en mesure de révéler.
Des pouvoirs se sont ainsi établis, dans une concurrence privilégiant le nombre de leurs adeptes sur leur bien-être ici et maintenant. Et ces pouvoirs ne cessent eux-mêmes de croître et de se multiplier pour faire face à des désordres naturels aggravés par les exigences d’une espèce humaine dont la prolifération, proportionnelle à ses progrès matériels, s’est retournée contre elle.
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