De l'aggravation de la pauvreté par la démographie
Tout d'abord, la pauvreté est-elle une fatalité ?
À critères de segmentation constants, il en résulte le développement en nombre de toutes lescatégories sociales, mais selon un mécanisme qu'exprimelafigure 2. Et s'il est possible aux individus qui bénéficient des effets d'un progrès matériel évident de se livrer avec un certain recul à une telle observation, tout se passe dans l'opacité d'une misère aggravée par une démographie galopante pour les autres. L'élite, constituée des nantis, faisant cette opinion qui dénonce la pauvreté, il est plus que temps d'y penser autrement, à l'époque où la population du globe a largement franchi le cap des 7 milliards. Nul doute que ce soit d'autant plus indiqué que cette dénonciation repose sur des critères d'évaluation contestables et contestés, ignorant ou allant jusqu'à nier le rapport existant entre l'accroissement du nombre d'êtres humains et leurmisère.
Au risque de heurter autant les incorrigibles optimistes que ceux dont l'idéologie se réduit à la nier avec une obstination n'ayant d'égal que leur aveuglement, la réponse est OUI, et les deux observations ci-après suffisent à le démontrer. La première se fonde sur des chiffres que nous fournit l'histoire, la seconde sur la structure pyramidale de la société, évidence dont seule la cécité ou le refus doctrinaire de l'admettre peuvent expliquer qu'elle soit le plus souvent ignorée.
Historiquement d'abord. À l'aube de notre ère, la Terre était peuplée d'environ 250 millions d'êtres humains. Deux millénaires plus tard ils sont 7 milliards, dont près de 1,5 milliard vivent dans un état de pauvreté profonde – laquelle est tout autre chose que cette pauvreté relative et codifiée dont toutes les démagogies usent et abusent. L'homme et le progrès dont il est l'auteur, ont ainsi créé, en 20 siècles, 5 fois plus de miséreux qu'il y avait d'êtres humains de toutes conditions sur terre à une époque qui peut être considérée comme le début de leur entreprise de civilisation à l'échelle planétaire. Et la population augmentant de nos jours, quotidiennement, de 250 000 individus, nous serons bientôt plus de dix milliards.
Les objections ne manqueront pas, à commencer par le reproche d'un pessimisme exagéré. Effectivement, alors que le nombre de pauvres a été multiplié par 6 – ce qui est un strict minimum supposant que tous les êtres humains qui vivaient en l'an 1 étaient dans le dénuement –, la population totale, toutes conditions confondues l'a été par 28. De quoi radicalement dédramatiser l'expansion de la pauvreté ! Mais ce qui nous intéresse ici est la progression ininterrompue de celle-ci, en nombre ; manifestation de cette fatalité contestée par ceux qui espèrent depuis 2 000 ans sa disparition, alors qu'elle ne cesse pas d'augmenter.
Que la civilisation ait créé plus de riches que de pauvres est une chose, mais quels ont été et demeurent ses effets sur la pauvreté ? Quand bien même il n'existerait qu'une poignée de miséreux sur terre, c'est leur sort qui nous intéresse, or la réponse est indiscutable et connue de tous : le nombre de pauvres profonds a augmenté d'au moins un milliard et quelques centaines de millions en vingt siècles. Quant à savoir si cette variation a connue des fluctuations etquels en ont été les pics ou les baisses, il s'agit là d'aspectsstatistiques ne changeant rien à une hausse constante du nombre de laissés pour compte. Il s'agit donc de réaliser qu'à un moment donné de l'histoire des hommes – en l'an 2000 – le nombre de ceux-qui sontatteints de misère profonde, et la croissance ininterrompue de ce nombresont inacceptables, même s'il est communément admis que cesmiséreux nereprésententque10 à 20% de la population totale de la planète.
Face à ce constat, s'il peut paraître sensé de croire que l'accroissement de la population est porteurde progrès, n'est-il pas permis de penser qu'il peut avoir d'autres effets ? Il est grand temps d'ouvrir les yeux, d'en débattre sérieusement et surtout d'agir avec pragmatisme, pour autant que nous soyons réellement déterminés àychanger quoi que ce soit.
C'est cette lucidité qui nous permet deconcevoir que la grande majorité des 250 000 êtres humains supplémentaires qui déferlent chaque jour sur la planète pour y surpeupler la pyramide sociale (fig. 1), rejoint la base de celle-ciet augmente principalement la population des pauvres, quelle qu'en soit la proportion. Que certains parviennent ensuite à s'extraire de leur condition est une tout autre affaire.
Fig. 1
Fig. 2
Mais encore faut-il avoir conscience de cette pyramide sociale dont nous vivons tous prisonniers. Il faut savoiren effet que le terme même de "Pyramide sociale" était encore récemmenttellement ignoré des sociologues qu'il ne figure pas davantage que sa définition dans leDictionnaire de la sociologie (Larousse, 1989), à la rédaction duquel ont pourtant contribué 58 chercheurs, professeurs d'université et autres experts en sciences humaines.
Sauf changement depuis fin 2013 – date de cette observation –, même ignorance du côté du lexique publié sur le site des Sciences Économiques et Sociales :
du glossaire publié sur le site de melchior :
dans l'EcoDico du web pédagogique :http://lewebpedagogique.com;
sur le site BRISES (Banque de Ressources Interactives en Sciences Économiques et Sociales) :
dans le dictionnaire en ligne d'Alternatives Économiques :
parmi les définitions des concepts utilisés par le Centre d'observation de la société :
dans le DicoPo, dictionnaire de théorie politique :http://www.dicopo.fr/spip.php?rubrique2.
Ignoré même du FMI :http://www.imf.org/external/np/term/fra/index.htmautant que dans le Glossaire des sciences sociales (en anglais) du sociologue Frank Elwell:
Il ne figure même pas – comble du dédain – parmi les bourdieuseries du maître :
Et pourtant, le web offre 1 250 000 occurrences en réponse à la question posé à Google et 2 390 000 quand elle est posée à Yahoo. Que ceux qui seraient en mesure de le faire ne manquent pas de contester ces propos.
Soulevant davantage de questions qu'ayant la prétention d'y apporter des réponses, curieux de sociologie et interpellé par une misère omniprésente que la démographie encourage, Candide voudrait pourtant partager les sentiments que lui inspire le croisement de ces deux disciplines. Et c'est précisément l'observation de cette pyramide sociale, par les évidences qu'elle affiche, qui conduit à énoncer les postulats du rééquilibrage dont la société moderne a le plus grand besoin pour parvenir à davantage de justice sociale :
- La structure pyramidale de la société humaine est inéluctable, du simple fait de la diversité et de l'interdépendance de ses membres.
- En tout, richesse et pauvreté sont relatives. Existant l'une par l'autre, l'éradication de l'une comme de l'autre ne relève même pas de l'utopie mais du non sens.
- La pyramide sociale est incontournablement assortie de la distance entre sa base, la pauvreté, et son sommet, la richesse, sauf à concevoir la société des hommes comme une fourmilière réduisant l'individu à sa plus simple expression.
- Si la richesse n'a pas d'autres limites que l'avidité des hommes et les ressources de la planète, la misère a la sienne, qui est la limite inférieure de la condition humaine, là où elle peut descendre au niveau zéro, séparant les individus de l'inexistence sociale.
- Contrairement à l'idée encore plus fausse que généralement admise, réduire la richesse de tous augmente la pauvreté de chacun et réciproquement ... sans pour autant faire bénéficier du partage espéré ceux qui en ont le plus besoin ; ce partage étant une tout autre affaire.
Agnostique et apolitique, la simple observation ainsi faite d’une réalité démographique, mise en relation avec la pauvreté et nos inégalités de toutes sortes, ne peut laisser indifférent, quelles que soient ses propres convictions, aussi bien religieuses que politiques.