Dans son numéro du 3 mars 2018, “Le Point” invite ses lecteurs à méditer les propos recueillis par Thomas Mahlerauprès de l'historien de l’université de Stanford, Walter Scheidel, selon qui « seules les guerres et les catastrophes ont fait baisser les inégalités dans l'histoire. ».
Il est fréquent de lire ou d'entendre “qu’une bonne guerre réglerait les problème de l'humanité”, mais il est pour le moins surprenant qu’un avis aussi sommaire puisse être partagé par un historien.
Quel que soit sa portée et son bilan mortuaire, quelle guerre ou épidémie a-t-elle jamais réduit la population humaine dans une mesure suffisante pour influencer les inégalités sociales ? Tout au plus ont-elles pu générer passagèrement un ordre de portée limitée, fondé sur de nouveaux critères de différenciation entre leurs survivants, une nouvelle hiérarchie ayant pu alors se manifester. Mais comme après toute révolution – qui n’est qu’un moyen de changer l’ordre établi par la force –, aussitôt qu’ont pris fin les événements ayant pu la perturber, la structure de la société humaine reprend inéluctablement son caractère pyramidal. Ces événements passés ; une fois que les membres de la société ont retrouvé le plein exercice de leurs fonctions premières qui sont de consommer et de produire, consommation et production connaissent un nouvel essor et l’enrichissement collectif reprend son cours, après qu’il ait été interrompu par une situation dans laquelle les destructions, tant humaines que matérielles, ont pu dépasser leur production. La population poursuit quant à elle sa croissance et la pyramide sociale son inexorable développement, par lequel son sommet s’éloigne toujours plus de sa base, en accroissant leur écart et les inégalités sociales que cet écart exprime.
S’il est vrai que certaines guerres et épidémies ont pu et pourront encore entraîner des réductions sensibles de l’effectif de la société, il suffit de se souvenir que la population humaine mondiale a incessamment augmentée depuis que l’homme existe – en dépit de son caractère belliqueux et de combats incessants, toujours plus meurtriers – et que cette augmentation est actuellement de l'ordre de 280 000 individus chaque jour (cf. estimations de l'INED), soit près de 100 millions par an, ce qui , quelle que soit l'approximation de ces chiffres, suffit pour résorber en bien peu de temps les pertes en vies humaines les plus sévères, quelles qu’en soient les causes. Sans compter qu’une épidémie ou un feu nucléaire capables d’éclaircir les rangs de l’humanité au point d'en faciliter la “régénération”, rendraient probablement notre planète impropre à la vie humaine.
Richesse et pauvreté sont des données relatives, et vouloir traiter d’inégalités au moyen d’indices fondés sur des écarts de revenus individuels (tel le coefficient de Gini), comme le font la plupart des experts, à l’instar des Piketty et Oxfam, revient aux pires amalgames, mêlant allègrement rémunération du travail et du capital, patrimoine et revenu, à des époques et en des lieux où ces notions peuvent aller jusqu’à être ou avoir été sans le moindre rapport avec l'idée que nous nous en faisons de nos jours. Qu’ont de comparable, sinon dans leur relativité, la richesse comme la pauvreté de populations différentes à des siècles, voire à des millénaires, de distance, ou des actuels pays les plus pauvres par rapport aux plus avancés ? Qui peut prétendre que la notion de revenu ait le moindre sens pour les deux milliards d’être humains disposant quotidiennement, aujourd'hui, de moins de deux dollars pour survivre ?
Pour plus de précisions, lire “Précis de pyramidologie sociale”.