La conférence de 2018 sur le réchauffement climatique se tiendra à Katowice du 3 au 14 décembre. Y sera-t-il mis fin au tabou dont est frappé la démographie humaine, alors que toutes mesures susceptibles d’atténuer les effets de la situation catastrophique à laquelle est confrontée la planète – et avec elle tous ses habitants – en sont indissociables ? Après que quelques experts de tous horizons aient vainement tenté pendant des siècles de sensibiliser l’opinion aux dangers du surpeuplement humain, 15 000 d’entre eux se sont enfin décidés à lancer, au lendemain de la COP23, un appel solennel ; mais quand les scientifiques (GIEC ou pas GIEC) s’émeuvent à ce point de la fonte des glaciers et de la banquise, seront-ils entendus ?
La manière dont le bréviaire de la décroissance qu’est “Notre empreinte écologique” (Mathis. Wackernagel et William. Rees, éditions “écosociété”, Montréal) traite de population et a fortiori de surpopulation est significative de la mesure dans laquelle notre démographie peut être reléguée à l’arrière-plan de l’économique et du social. Lorsque les problèmes qui se posent dans ces domaines ne sont que les conséquences du nombre de consommateurs, leur relation avec ce nombre y est tout juste évoqué.
Il n’est pas question de contester l’utilité de l’empreinte écologique en tant qu’instrument de diagnostic et de sensibilisation aux excès de prédation de l’humanité, pas plus que de mettre en cause le droit que ce concept a acquis de s’ajouter à ceux qui inspirent déjà de nombreux chercheurs, mais chacun doit être conscient que pendant qu’ils en fouillent les détails et le retournent en tous sens, la population ne cesse de croître à un rythme jamais atteint, dans la quasi-indifférence générale. Raison justifiant la paraphrase de William Rees clôturant la préface de ce livre : “Regarder en face, tous ensemble, la réalité du dépassement écologique [démographique] nous forcera à découvrir et mettre en pratique ces qualités uniques qui distinguent le genre humain des autres espèces sensibles pour nous réaliser pleinement comme êtres humains. En ce sens, le changement écologique [démographique] mondial est la dernière grande occasion de prouver que la vie intelligente existe réellement sur la Terre.” »
Parce qu’il doit impérativement ne serait-ce que se nourrir, se vêtir, se loger et se soigner, l’homme est un consommateur. Il l’est depuis sa conception jusqu’après sa mort – les marchés du prénatal et du funéraire n’ayant rien d’anodin – et se double d’un producteur dès qu’il est en âge de travailler.
Il est ainsi, avant toute autre opinion ou considération, un agent économique au service de la société, mais aux dépens de son environnement. Et plus le nombre de ces agents augmente, plus leurs besoins s’accroissent – outre ceux qu’ils s’inventent toujours plus nombreux – et plus ils doivent produire. Qu’il s’agisse de ressources non renouvelables ou de pollution, les atteintes à l’environnement augmentent d’autant et s’ajoutent à celles d’une nature jamais avare de catastrophes inopinées ou cycliques comme peuvent l’être celles de nature climatique.
Sans aller jusqu’à imputer à l’humanité le changement de climat auquel nous assistons, il est généralement admis qu’elle peut y avoir contribué par des excès chaque jour plus évidents. Quand les experts en tous genres se décident enfin à donner de la voix, il peut donc être utile de rappeler quelques évidences que dicte le sens commun :
— Quelle que soit la place qu’un sort aveugle lui attribue dans la pyramide sociale, l’être humain est généralement animé du désir d’améliorer ou de conforter ses conditions d’existence.
— L’empreinte écologique de l’humanité est celle de l’espèce entière, sans que quiconque puisse prétendre s’en exonérer sous prétexte de celle d’autrui. Pollution et déchets résultent d’une production assumée par les pays les plus industrialisés, donc les plus riches, au profit de tous, y compris les pays les plus pauvres, qui sans cela seraient encore plus démunis qu’ils le sont. Et privée comme publique, l’aide humanitaire fournie à ces derniers est considérable.
— Tout effort de frugalité et économie de pollution sont immédiatement annulés par la croissance démographique. 250 à 280 000 êtres humains supplémentaires déferlent quotidiennement sur terre, et se répartissent selon l’immuable proportion des catégories sociales composant leur société pyramidale.
— Si l’humanité consomme en six mois ce que la planète lui offre pour 1 an, ne faut-il pas en déduire que sa consommation est double de ce qu’elle devrait être ? Et la première conclusion à en tirer n’est-elle pas qu’il suffirait de diviser cette consommation par deux pour l’équilibrer par rapport aux ressources disponibles ? Et si à relativement bref terme cette consommation doit être 3 fois ce que son habitat lui offre, cela ne signifie-t-il pas que la population doit être ramenée au tiers de ce qu’elle promet de devenir, soit entre 3 et 4 milliards d’humains ? Or, plutôt que d’œuvrer prioritairement à une dénatalité seule à même de conduire dignement à de tels résultats, chacun y va de son couplet et défile avec sa pancarte, défendant une multitude de points de vue différents, menant à un saupoudrage de mesures qui, si elles défendent la même cause, font oublier l’essentiel.